Pas un jour ne passe sans que les services de secours ne signalent l’arrivée d’une embarcation de fortune transportant des dizaines de migrants africains dans l’une des îles des Canaries, situées au large des côtes nord-ouest du continent africain.
À tel point que Sánchez a décidé d’effectuer de mardi à jeudi une tournée dans trois pays concernés au premier chef : la Mauritanie, la Gambie et le Sénégal.
On ne connaît pas encore la nature et le montant de l’aide qu’il compte offrir à ces pays — notamment la Mauritanie, où il s’était déjà rendu en février et qui serait le principal point de départ des migrants — pour les inciter à tout faire afin d’empêcher ces départs.
Le président du gouvernement régional des Canaries, Fernando Clavijo, qui a rencontré vendredi Sánchez, a estimé qu’il y avait “plus de 150.000 réfugiés” prêts à prendre la mer pour se rendre vers son archipel depuis la Mauritanie.
Il a surtout exhorté l’UE à prendre ses responsabilités, “afin que les Canaries n’aient pas à supporter seule toute la pression migratoire de l’Europe”, parce que ces migrants “arrivent en Europe, en Espagne, et pas seulement aux Canaries”.
De fait, les Canaries, et plus généralement l’Espagne, ne sont souvent qu’une étape sur la voie d’autres pays européens, au premier rang desquels la France.
Les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur sont éloquents. Entre le 1er janvier et le 15 août de cette année, 22.304 migrants sont arrivés aux Canaries, contre 9864 pour la même période de l’an dernier, soit une augmentation de 126%. Pour l’ensemble de l’Espagne, la hausse est de 66,2% (de 18.745 à 31.155).
De plus, cette tendance à la hausse est appelée à s’accentuer d’ici à la fin de l’année, en raison de l’amélioration attendue des conditions de navigation dans cette zone de l’Atlantique.
Le chiffre record de 39.910 arrivées enregistré l’an dernier pourrait donc être pulvérisé, confirmant que cette route de l’Atlantique vers les Canaries est devenue la voie d’accès principale des migrants vers l’Espagne, malgré son extrême dangerosité, qui provoque chaque année la mort de milliers d’entre eux.
Mais les Canaries ne sont pas la seule région du sud de d’Espagne affectée par ce phénomène. La petite ville de Sebta, enclave espagnole sur la côte nord du Maroc, enregistre également depuis quelques semaines une forte hausse des arrivées.
Sebta est l’une des deux seules frontières terrestres de l’UE avec le continent africain — l’autre étant à Melilla, une autre enclave espagnole plus à l’est.
Pour ces régions, le problème le plus pressant est celui des migrants mineurs arrivant seuls, connus en Espagne sous le terme de Mena (mineurs étrangers non accompagnés), leur situation ayant des implications de politique intérieure majeures.
Car si les migrants adultes relèvent de la compétence financière de l’Etat central, ceux ayant moins de 18 ans, en revanche, sont de la responsabilité exclusive des régions.
Les régions espagnoles situées en première ligne sont donc complètement débordées face à l’explosion du nombre de migrants mineurs qu’elles doivent prendre en charge.
Aux Canaries, le gouvernement régional doit actuellement subvenir aux besoins de 5100 mineurs étrangers, alors que la capacité de ses centres d’accueil n’est que de 2000 personnes. La situation est similaire à Ceuta.
Pour résoudre ce problème, le gouvernement de Pedro Sánchez a essayé de faire voter en juillet par le Parlement une modification de la loi sur l’immigration, afin de donner au gouvernement central le droit de répartir les mineurs étrangers entre toutes les régions du pays.
Mais le Parti populaire (droite), Vox (extrême-droite) et le parti indépendantiste catalan de Carles Puigdemont, qui prônent un durcissement de la politique contre l’immigration clandestine, ont empêché toute discussion du texte de loi.
Pour l’heure, le gouvernement des Canaries est donc livré à lui-même et se sent abandonné.
Vendredi, Clavijo a simplement obtenu de Sánchez la reconduction cette année d’une aide de l’Etat de 50 millions d’euros, égale à celle reçue en 2022 et 2023, mais loin des 150 millions d’euros qu’il dit avoir dépensés depuis le début de l’année.
(avec AFP)