L’avion privé qui le transportait s’est posé mercredi soir à l’aéroport de Canberra, où se trouvaient des dizaines de journalistes, a constaté une équipe de l’AFP. Ses cheveux blancs ramenés en arrière, l’Australien a levé le poing en émergeant de l’avion, puis a marché à grands pas sur le tarmac pour aller embrasser sa femme Stella en la soulevant du sol, puis son père.
“Il est ravi de rentrer à la maison. Il s’émerveille juste en regardant l’horizon”, a affirmé à la chaîne ABC Stella Assange, ajoutant que leurs deux enfants avaient “sauté de joie sur le canapé” en apprenant la nouvelle. Auparavant elle avait expliqué, dans une conférence de presse, que son mari avait besoin d’intimité et de temps pour se rétablir après plus de cinq ans passés dans une prison de haute sécurité à Londres.
“Il a besoin de temps, il a besoin de récupérer et c’est tout un processus, a-t-elle dit, semblant au bord des larmes. Je vous demande, s’il vous plaît, de nous donner de l’espace, de nous donner de l’intimité, de nous laisser trouver notre place, de laisser notre famille être une famille avant qu’il puisse parler à nouveau, au moment de son choix.”
“Julian a besoin de récupérer, c’est la priorité. Et c’est un fait que Julian défendra toujours les droits humains, défendra toujours les victimes, car il est comme ça”, selon Mme Assange. Un avocat de Julian Assange, Jen Robinson, a indiqué que le fondateur de Wikileaks avait parlé au Premier ministre australien Anthony Albanese lorsque l’avion a atterri et a “dit au Premier ministre qu’il lui avait sauvé la vie”.
Plus tôt dans la journée, Julian Assange, 52 ans, avait été libéré au terme d’une rapide audience au tribunal fédéral américain de Saipan, dans les îles Mariannes du Nord. M. Assange n’aura pas le droit de retourner aux États-Unis sans autorisation, a précisé le ministère américain de la Justice. Conformément à l’accord, l’ancien informaticien, accusé d’avoir rendu publics des centaines de milliers de documents confidentiels américains dans les années 2010, a plaidé coupable d’obtention et de divulgation d’informations sur la défense nationale.
“J’ai encouragé ma source”, la militaire américaine Chelsea Manning, à l’origine de cette fuite massive, “à fournir du matériel qui était classifié”, a reconnu mercredi à la barre Julian Assange, fatigué, mais visiblement détendu. La diplomatie américaine a estimé mercredi via un porte-parole qu’il avait, en diffusant ces documents, mis en “danger” “des dirigeants de l’opposition, des militants des droits humains du monde entier”. Il a ensuite embarqué sans tarder dans un avion qui a quitté les îles Mariannes, un petit territoire américain du Pacifique, pour Canberra.
Son père John Shipton, dans un entretien avec le diffuseur australien ABC, a confié sa “joie”, car son fils pourra “passer du temps de qualité avec son épouse Stella et ses deux enfants” et savourer “toute la beauté de la vie ordinaire”. “Je suis reconnaissante que le calvaire de mon fils touche enfin à sa fin”, a réagi sa mère Christine Assange dans un communiqué.
Julian Assange “a énormément souffert dans sa lutte pour la liberté d’expression, la liberté de la presse”, a souligné Barry Pollack, son autre avocat. “Le travail de WikiLeaks se poursuivra et M. Assange, je n’en doute pas, continuera avec force son combat”. Le Premier ministre australien, se félicitant d’un “résultat positif” que “la grande majorité des Australiens souhaitaient”, a expliqué que des négociations secrètes menées par des intermédiaires australiens envoyés aux États-Unis avaient contribué à forger l’accord ayant permis la libération.
Le lanceur d’alerte a quitté lundi le Royaume-Uni, où il était emprisonné depuis cinq ans, après avoir accepté le principe d’un plaider-coupable. Aux termes de cet accord, il n’était plus poursuivi que pour le seul chef de “complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale”, pour lequel il a été condamné à une peine de 62 mois de prison, déjà couverte par ses cinq années de détention provisoire.
Mme Assange a lancé un appel aux dons pour payer les 520.000 dollars (485.000 euros) que son époux doit rembourser au gouvernement australien pour l’affrètement de l’avion qui l’a amené en Australie, car il n’a “pas été autorisé à emprunter un vol commercial”. Le tribunal des îles Mariannes du Nord a été choisi en raison du refus de Julian Assange de se rendre sur le continent américain.
Les Nations unies ont salué le dénouement d’une affaire qui avait soulevé “une série de préoccupations en matière de droits humains”. La justice américaine le poursuivait pour avoir rendu publics à partir de 2010 plus de 700.000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.
Parmi eux, une vidéo montrant des civils, dont un journaliste de l’agence Reuters et son chauffeur, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007. Visé par 18 chefs d’accusation, Julian Assange encourait en théorie jusqu’à 175 ans de prison. Chelsea Manning, condamnée en 2013 à 35 ans de prison par une cour martiale, a été libérée au bout de sept ans après commutation de sa peine par le président Barack Obama.
Le fondateur de WikiLeaks a été arrêté par la police britannique en avril 2019, après sept ans passés dans l’ambassade d’Équateur à Londres pour éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année.