Venus des Etats-Unis pour accomplir le hajj, le pèlerinage annuel musulman, dans la ville la plus sainte de l’islam, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, Shariq Memon et sa femme s’étaient préparés au pire.
« On nous avait dit qu’il ferait très chaud », raconte l’homme de 44 ans. « Il fait chaud, mais d’une certaine manière, avec l’esprit de Dieu, nous ne sentons pas tant que ça la chaleur », dit-il en sortant de la Grande mosquée.
Les aménagements réalisés ces dernières années dans les lieux saints y sont sans doute aussi pour quelque chose. Autour de la Kaaba, structure cubique noire vers laquelle les musulmans se tournent pour prier, des espaces climatisés permettent désormais aux pèlerins de se rafraîchir, tandis que le chemin entre Safa et Marwa, l’un des rituels du hajj, s’effectue désormais en intérieur.
Depuis l’année dernière, des routes empruntées par les fidèles ont également été recouvertes d’une matière blanche, qui permet de réduire la température de l’asphalte de 20%, selon les autorités.
Sans oublier les brumisateurs installés sur la place centrale, la distribution d’eau et d’ombrelles, les conseils prodigués par des bénévoles, et les galeries marchandes qui permettent aux fidèles de se mettre au frais entre deux prières.
Mais aux alentours de La Mecque, des étapes essentielles du hajj, comme la prière sur le mont Arafat samedi, se déroulent toujours en plein air, sous un soleil de plomb et des températures prévues autour de 44 degrés cette année, en hausse constante ces dernières décennies.
Selon les scientifiques, ces températures de plus en plus élevées sont un marqueur sans équivoque du réchauffement de la planète.
En attendant le début des rituels vendredi, Shariq Memon dit ne pas s’inquiéter. « Ma femme a pris ses précautions, je vais la suivre », ajoute-t-il en mentionnant notamment les solutions de réhydratation embarquées dans sa valise.
Le grand pèlerinage est un véritable « marathon » qui se déroule sur plusieurs jours, rappelle le porte-parole du ministère saoudien de la Santé, Mohammed al-Abdulali.
Les pèlerins, notamment les plus fragiles, « sont exposés au risque d’épuisement ou de coups de chaleurs, qui sont dangereux », reconnait-il.
Selon lui, plus de 10.000 cas de maladies liées à la chaleur ont été recensés l’année dernière durant le hajj, dont 10% de coups de chaleur, la forme la plus grave.
Il y a eu des décès, « mais leur nombre était limité », grâce aux interventions rapides des équipes médicales et leur expérience « acquise au fil des décennies », affirme-t-il.
Historiquement, les saisons chaudes ont toujours été associées à de nombreux cas de stress thermique, souligne une étude du King Faisal Specialist Hospital and Research Centre, publiée en mai, qui mentionne la mort en 1987 d’un millier de pèlerins à cause de la chaleur.
Mais au cours des 40 dernières années, grâce aux « mesures de mitigation », les cas de stress thermique ont baissé de 74,6% et le taux de mortalité de ces cas de 47,6%, selon cette étude.
Les chercheurs saoudiens soulignent toutefois que les températures à La Mecque ont augmenté de 0,4° C à chaque décennie, et que ce réchauffement « exceptionnel », causé principalement par les énergies fossiles, pourrait ne pas être atténué par les stratégies mises en place.
L’eau et les vaporisateurs « ne seront pas suffisants », abonde le climatologie Fahad Saeed, de l’institut Climate analytics.
Par ailleurs, selon lui, le risque de vouloir simplement s’adapter au réchauffement climatique est « de perdre certains rituels qui font l’essence même de ce pèlerinage ».
Le royaume du Golfe doit s’engager dans la lutte contre ce phénomène en tenant en compte du fait qu’il est le « plus grand exportateur de pétrole au monde », mais aussi l’un des plus chauds et « l’hôte de cet important pèlerinage », souligne-t-il.