Les JO, Mondiaux de football et consorts boostent-ils le tourisme ? Pas forcément…

Au-delà des Parisiens, la capitale française étant une destination prisée, que sait-on de l’impact de l’organisation des événements sportifs internationaux comme les Jeux Olympiques sur la fréquentation touristique ? Une étude analyse l’impact de tels événements.

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Fouzi Lekjaa, président de la FRMF, Fernando Gomes, président de la FPF et Pedro Rocha, président de la RFEF, lors de la signature de la déclaration d’intention, s’inscrivant dans le cadre de la candidature conjointe Maroc-Espagne-Portugal pour l’organisation de la Coupe du monde 2030 de football le 28 octobre 2023 à Salé. Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

Cela fait un sujet de dispute en moins. En maintenant cet été les bouquinistes de Paris sur les quais de Seine, le gouvernement français a clos une des nombreuses polémiques liées à l’organisation des Jeux olympiques à Paris.

À moins de six mois de l’événement, les Parisiens continuent toutefois de se plaindre de l’absence de consultation de la population locale, des prévisions d’embouteillages, de la fermeture de certaines stations de métro et de l’implantation renforcée de caméras de surveillance… Est-ce une manifestation supplémentaire de l’esprit frondeur des habitants de la capitale française ? Ou ces critiques sont-elles fondées ? Au-delà des Parisiens, la capitale française étant une destination prisée, que sait-on de l’impact de l’organisation des événements sportifs internationaux sur la fréquentation touristique ?

Jeux olympiques de Paris 2024.Crédit: DR

Quant à l’effet de l’accueil d’événements sportifs à grande échelle sur les visites touristiques, l’impact global doit prendre en compte deux effets qui peuvent être contradictoires. Même s’ils peuvent avoir un impact positif sur le nombre de visiteurs, ils peuvent aussi avoir des conséquences négatives si les touristes “réguliers” boudent soudain cette destination en raison de l’événement.

Cela peut être dû aux infrastructures surchargées, à la forte augmentation des coûts d’hébergement et aux inconvénients liés à la surpopulation ou à des visiteurs bruyants et/ou violents. En outre, les reportages sur la pauvreté ou la criminalité dans les médias mondiaux peuvent rendre certaines destinations beaucoup moins attrayantes.

Dans un article publié récemment dans le Journal of Sports Economics, avec Igor Drapkin et Ilya Zverev, nous avons évalué les effets de l’organisation d’événements sportifs à grande échelle, tels que les Jeux olympiques d’hiver et d’été et les Coupes du monde de la FIFA, sur la venue de touristes internationaux. Nous utilisons un ensemble complet de données sur les flux de touristes couvrant les plus grands pays de destination et d’origine du monde entre 1995 et 2019.

Des effets contrastés

Dans un premier temps, nous avons construit un modèle économétrique qui prédit efficacement le flux de touristes entre n’importe quelle paire de pays dans nos données. Nous avons ensuite comparé les flux touristiques prédits dans un scénario hypothétique où aucun événement sportif de grande envergure n’aurait eu lieu avec les chiffres réels.

Si les chiffres réels dépassent les prévisions, nous considérons que l’événement a un impact positif net. Dans le cas contraire, nous considérons qu’il a eu un effet d’éviction sur les touristes “réguliers”. Dans le cadre de cette analyse, nous avons fait la distinction entre le court terme (c’est-à-dire l’année de l’événement) et le moyen terme (l’année de l’événement et les trois années suivantes).

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Nos résultats montrent que les effets des événements sportifs de grande envergure varient considérablement d’un pays hôte à un autre : les Coupes du monde de 2002 au Japon et en Corée du Sud et de 2010 en Afrique du Sud ont donné lieu à une nette augmentation des arrivées de touristes, alors que toutes les autres éditions ont eu un effet neutre ou négatif.

En ce qui concerne les Jeux olympiques d’été, les Jeux de 2008 à Pékin sont les seuls à avoir un effet positif significatif sur les arrivées de touristes dans le pays. Les effets des quatre autres événements (Sydney 2000, Athènes 2004, Londres 2012 et Rio 2016) se sont révélés négatifs à court et à moyen terme. En ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver, le seul cas positif est celui de la Russie en 2014. Les cinq autres événements ont eu un impact négatif, à l’exception de l’effet neutre d’une année pour le Japon en 1998.

À la suite d’événements sportifs de grande envergure, les pays hôtes sont donc généralement moins visités par les touristes. Sur les 18 pays hôtes étudiés, 11 ont vu le nombre de touristes diminuer sur quatre ans et trois n’ont pas connu de changement significatif.

Un effet incertain pour Paris

Nos recherches indiquent que l’effet positif de l’organisation d’événements sportifs de grande envergure sur les flux touristiques est, au mieux, modéré. Si de nombreux touristes sont attirés par les Coupes du monde de la FIFA et les Jeux olympiques, l’effet d’éviction des touristes “réguliers” est important et souvent sous-estimé.

Cela signifie que l’afflux des touristes qui viennent assister à un événement tel que les Jeux olympiques dissuade généralement ceux qui seraient venus pour d’autres raisons. Par conséquent, les efforts visant à attirer de nouveaux visiteurs doivent s’accompagner d’efforts visant à retenir ceux qui viennent déjà en temps normal.

Les événements sportifs de grande envergure doivent être considérés comme un élément d’une politique à long terme de promotion d’un territoire auprès des touristes plutôt que comme une solution isolée. Nos recherches ont fait ressortir un élément révélateur. En effet, il est plus facile d’obtenir une augmentation nette des entrées de visiteurs dans les pays qui sont des destinations touristiques moins populaires en temps normal, par exemple, les pays d’Asie ou d’Afrique.

En revanche, les États-Unis et l’Europe, deux destinations traditionnellement très prisées des touristes, ne présentent aucun cas d’effet positif net. En d’autres termes, les événements sportifs de grande envergure organisés en Asie et en Afrique ont contribué à promouvoir leurs pays d’accueil en tant que destinations touristiques, ce qui semble justifier l’investissement initial. À l’inverse, les événements organisés au cours des dernières décennies aux États-Unis et en Europe n’ont guère rapporté, du moins en termes d’afflux de touristes.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Voici l’article original, signé Ivan Savin, Associate Professor of Quantitative Analytics, ESCP Business School