[Tribune] Pas de paix sans décolonisation !

Mardi 17 octobre, l’État colonial d’Israël a bombardé the Al Ahli Baptist Hospital ainsi qu’une école gérée par les Nations Unies dans le camp de réfugiés Al-Maghazi dans le centre de la bande de Gaza, tuant plus de 500 civils. Le Réseau décolonial d’Afrique du Nord, qui a recueilli en deux jours plus de 500 signatures de professeurs, chercheurs, artistes et autres acteurs de la région et amis du monde, est alarmé de cette escalade génocidaire à Gaza à l’encontre les Palestiniens et appelle par sa lettre “Pas de paix sans décolonisation” à un chemin de raison.

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CC

Nous, membres et amis, du Réseau décolonial en Afrique du Nord [1], répondons à l’appel de nos collègues de l’Université de Bir Zeit que nous saluons pour leur courage et ténacité. Par ce texte, nous tenons à exprimer notre entière solidarité avec le peuple palestinien et son droit à la libération, comme nous tenons à exprimer notre compassion pour toutes les victimes civiles. Nous tenons également à alerter sur l’incroyable effet de diabolisation politique et d’intoxication médiatique qui cherchent à minimiser et détourner les regards de la brutalité criminelle en cours.

Il est de la logique des forces coloniales de vouloir toujours faire commencer l’histoire au moment où leurs protégés sont agressés. Et de ce fait effacer toute accumulation des effets d’oppression, d’humiliations et d’agressions perpétuelles que produisent les politiques d’Apartheid.

Nous tenons à rappeler que l’histoire de cette folie meurtrière ne commence pas le 7 octobre 2023, tout comme elle n’a pas commencé le 6 octobre 1973. Elle est le fait d’une expansion permanente et graduelle des colonies israéliennes en territoires occupés, accompagnée à chaque vague d’annexion d’une sophistication des méthodes d’aliénation et de persécution à l’égard des Palestiniens. Elle est le fait de la création d’un État discriminatoire, avec ce que cela comporte comme effets de déshumanisation banalisés, permettant aujourd’hui au ministre de la Défense israélienne de traiter publiquement et impunément les habitants de Gaza d’“animaux humains”.

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Au moment où nous rédigeons ce texte, Israël a sommé 1,1 million d’habitants d’évacuer sous 24 h la bande de Gaza Nord et de se réfugier vers le Sud. Tout habitant non évacué sera présumé membre du Hamas et menacé d’être éliminé par les forces armées israéliennes. Ce vendredi 13 octobre 2023, l’humanité a assisté, pour la première fois dans son histoire récente, à l’annonce en direct d’un génocide programmé. En soutenant le massacre, que ce soit de manière tacite ou manifeste, les puissances occidentales ont perdu toute légitimité à intervenir dans un processus de paix durable. Exposant au monde son système de valeurs à géométrie variable, l’Occident a montré une nouvelle fois son mépris pour les “valeurs universelles” qu’il claironne.

La cruauté de la colonisation menée par Israël s’intensifie. Vendredi 13 octobre, alors que les habitants de Gaza fuyaient le Nord, l’armée israélienne a bombardé civils et ambulances. Le soir même, elle est intervenue dans tout le territoire de Cisjordanie : Jénine, Hébron, Naplouse, Ramallah, Bethléem… Depuis plusieurs jours, les colons israéliens sont officiellement armés par l’État d’Israël et vivement encouragés à assassiner tout Palestinien quel qu’il soit.

Ces crimes d’État se commettent impunément. Une propagande diffusée par les médias occidentaux les justifie. Les propos imputant au Hamas l’égorgement de quarante bébés israéliens en sont l’exemple le plus affligeant. Grâce au travail de vérification des journalistes d’Al Jazeera, CNN a dû présenter ses excuses officielles, reconnaissant que ces faits n’étaient pas avérés. Mais le mal était fait : ce mensonge, repris par le président des États-Unis lui-même, a permis à Washington, outre son aide financière et militaire à Israël, de préparer l’opinion publique au massacre à venir. Triste rappel des prémisses de l’invasion de l’Irak.

“C’est sur fond de cette inégalité raciale que se sont toujours justifiés les plus grands massacres et génocides perpétrés à l’encontre des populations racisées”

Le silence assourdissant de la communauté internationale sur les crimes de guerre commis aujourd’hui en Palestine est une preuve de plus que l’inégalité raciale a toujours été au cœur des projets coloniaux, puis impériaux de l’Occident. En réalité, c’est sur fond de cette inégalité raciale que se sont toujours justifiés les plus grands massacres et génocides perpétrés à l’encontre des populations racisées.

En Palestine, les temps présents ne sont que la continuation d’une violence coloniale qui se perpétue et s’éternise. Cette année a ainsi été marquée par l’intensification des violences à l’égard des Palestiniens. Selon les estimations de l’ONU, 173 Palestiniens avaient déjà été tués avant le mois d’octobre. Nous avons tous en tête les images du camp de réfugiés de Jénine dévasté par l’armée israélienne. La politique aveugle d’intensification des colonies menée par l’État d’Israël, la constante violation du droit international, le non-respect des accords de paix, constituent, dans cette colonisation de peuplement, un véritable nettoyage ethnique.

D’autres peuples autochtones ont été massacrés au cours de l’histoire. Le traitement des descendants des peuples amérindiens aux États-Unis, également persécutés et subalternisés, en porte encore la marque.

Face au silence de la communauté internationale, au soutien inconditionnel d’Israël par les États-Unis et l’Union européenne, aux partis-pris manifestes des médias occidentaux, nous, membres et amis du Réseau décolonial en Afrique du Nord, affirmons tout notre soutien au peuple palestinien dans sa lutte de libération et dénonçons le massacre des populations civiles palestiniennes en cours.

Dans ce contexte, nous tenons également à rappeler l’importance éthique et politique d’un retrait des accords de normalisation qui ne font que renforcer en Israël le sentiment d’impunité.

Aucune paix durable dans la région ne sera trouvée si les aspirations légitimes du peuple palestinien continuent d’être ignorées, si les exigences de justice, de liberté de mouvement pour tous et d’égalité effective continuent d’être bafouées. Au fond, l’équation est simple à retenir et pourtant fortement combattue, reniée : il ne peut y avoir de paix sans décolonisation !

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[1] Le Réseau décolonial d’Afrique du Nord est un groupe transnational de chercheur. e. s et d’artistes de Tunisie, d’Algérie, du Maroc, de la Libye, créé en 2021 qui a pour but de mener un travail sur la décolonisation des savoirs et des imaginaires, avec un effort de réflexion, de transmission et de dissémination.

Liste des signataires de la tribune :