Rapprochement Israël-Arabie : Ryad cherche à rassurer les Palestiniens

L'Arabie saoudite a envoyé mardi pour la première fois en plus de trente ans une délégation officielle en Cisjordanie occupée pour assurer aux Palestiniens qu'elle défendrait leur cause même dans le cas d'une normalisation entre Riyad et Israël.

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Mohammed Ben Salman, 33 ans, cultive à l'international la figure d'un moderniste pressé, ouvert aux problèmes sociaux de son pays. Crédit: AFP

Signe du rapprochement en cours entre ces deux pays, Israël a annoncé dans l’après-midi que son ministre du Tourisme Haïm Katz se trouvait en Arabie saoudite pour deux jours. Il s’agit de la première visite publique d’un ministre israélien dans le royaume.

A un peu plus d’un an de la présidentielle aux Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, deux alliés de Washington, sont pressés par le gouvernement du président américain Joe Biden de normaliser leurs relations, dans le sillage des accords dits d’Abraham par lesquels Israël a établi des relations diplomatiques en 2020 avec trois pays arabes, sous l’égide du prédécesseur de M. Biden, Donald Trump.

L’Autorité palestinienne avait qualifié de « coup de poignard dans le dos » ce processus ayant mis fin à une unité de façade de la Ligue arabe sur la question palestinienne.

La venue mardi de l’ambassadeur saoudien Nayef al-Sudaïri à Ramallah marque la première visite d’une délégation officielle saoudienne en Cisjordanie depuis les accords de paix israélo-palestiniens d’Oslo de septembre 1993 ayant permis l’établissement de l’Autorité palestinienne.

A l’issue d’une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères palestinien Riyad al-Maliki, M. Sudaïri l’a assuré : « La question palestinienne est un pilier fondamental », de la politique extérieure saoudienne.

« Il est certain que l’initiative [de paix] arabe, qui a été présentée par le royaume en 2002, est la pierre angulaire de tout accord à venir », a-t-il déclaré devant la presse.

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En mars 2002, les dirigeants de la Ligue arabe avaient adopté un plan saoudien préconisant un retrait israélien de tous les territoires occupés depuis 1967 en échange d’une normalisation entre les pays arabes et Israël.

« L’intérêt du prince héritier [Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du royaume saoudien] pour la cause palestinienne n’est pas nouveau mais il souhaite la paix et la stabilité pour la région », a ajouté M. Sudaïri.

Ambassadeur d’Arabie saoudite à Amman, M. Sudaïri a été nommé en août ambassadeur non-résident pour les Territoires palestiniens et a présenté ses lettres de créance au président palestinien Mahmoud Abbas mardi à Ramallah.

M. Abbas avait déclaré le 21 septembre à l’ONU qu’il ne pouvait y avoir de paix au Moyen-Orient « sans que le peuple palestinien jouisse de la totalité de ses droits nationaux légitimes ».

S’il prend corps, le scénario d’une normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite, gardienne des Lieux saints musulmans de La Mecque et Médine, pourrait rebattre les cartes de la géopolitique moyen-orientale.

Ryad a donné des signes, ces derniers mois, d’une possible inflexion de sa position alignée sur l’initiative de paix arabe de 2002. Par l’intermédiaire des Etats-Unis, le pays a fait connaître ses conditions à une normalisation de ses relations avec Israël, parmi lesquelles des garanties de sécurité de la part de Washington et une assistance américaine dans le domaine du nucléaire civil, selon des sources proches des négociations.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967 et soumet la bande de Gaza à un strict blocus depuis que le mouvement islamiste palestinien Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

M. Netanyahu, qui avait jugé le 22 septembre à portée de main « une paix historique entre Israël et l’Arabie saoudite », a assuré mardi que « de nombreux Etats du Moyen-Orient veulent la paix avec Israël ».

A Ryad, M. Katz doit participer à une rencontre de l’Organisation mondiale du tourisme et veut en profiter pour « faire progresser […] les relations extérieures d’Israël », selon un communiqué de son bureau.

Le ministre israélien des Communications Shlomo Karhi doit également se rendre la semaine prochaine en Arabie saoudite, pour un congrès international, ont indiqué ses services.

En 2020, Israël avait établi des liens formels avec trois nouveaux Etats arabes (après l’Egypte et la Jordanie) : les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc, dans le cadre des accords d’Abraham.

La perspective d’une solution de paix « à deux Etats » envisagée par le processus d’Oslo semble plus éloignée que jamais depuis l’entrée en fonctions, fin décembre, d’un gouvernement israélien sous la houlette de M. Netanyahu avec l’appui de l’extrême droite, et alors que se poursuit un cycle de violences semblant sans fin.