Mais l’attention du parti socialiste et celle du Parti populaire (PP, droite) — vainqueur nominal des législatives anticipées, mais en fait grand perdant car sans possibilité de rassembler une majorité — est concentrée désormais sur le dépouillement des derniers suffrages n’ayant pas encore été comptabilisés, ceux des Espagnols résidant à l’étranger, qui a débuté vendredi.
Sur les quelque 2,3 millions d’expatriés inscrits sur les listes électorales, un peu plus de 10% (233.000) ont voté le 23 juillet par correspondance ou en se rendant au consulat d’Espagne dans leur pays de résidence.
Dans le passé, le vote de ces Espagnols de l’étranger “n’a pas eu une grande influence” et a même toujours été “anecdotique”, rappelle à l’AFP David Sabater Giménez, politologue et consultant de la firme Atrevia. Mais il suscite un intérêt cette année, car il pourrait compliquer une éventuelle investiture de Pedro Sánchez devant le nouveau Parlement et accroître les chances d’une nouvelle élection.
Les votes des Espagnols de l’étranger sont comptabilisés dans les circonscriptions où ils sont inscrits et peuvent donc avoir un impact si l’écart entre le vainqueur et son suivant le plus proche est minime. Neuf circonscriptions sont dans ce cas.
Les élections de dimanche ont abouti à une assemblée sans majorité, puisque le PP, bien que l’ayant emporté avec 136 sièges, ne peut espérer rassembler autour de lui la majorité absolue de 176 députés (sur un total de 350) qui permettrait à son leader, Alberto Núñez Feijóo, d’être investi Premier ministre. Avec les 33 sièges de la formation d’extrême droite VOX et l’appui de deux petits partis régionaux, tout juste pourrait-il se prévaloir de 171 sièges.
La majorité absolue est nécessaire pour être investi au premier tour, mais la majorité simple suffit au second. Et c’est là où Sánchez se fait fort de réussir. Son Parti socialiste n’a obtenu que 122 sièges, loin du total du PP, mais il devrait pouvoir rassembler sur son nom 172 députés, en incluant les 31 de son allié de gauche radicale Sumar et 19 sièges remportés par divers partis régionaux, essentiellement basques et catalans.
Il peut donc espérer obtenir l’investiture, à condition que les sept députés d’un parti indépendantiste catalan, Junts per Catalunya (JxCat), acceptent de s’abstenir. Les dirigeants de cette formation, responsables de la tentative de sécession avortée de la Catalogne en 2017, ont fait connaître le prix de leur abstention : une amnistie générale pour toutes les personnes sanctionnées pour la tentative de sécession et la tenue d’un referendum d’autodétermination.
Le gouvernement sortant a exclu d’emblée de telles concessions, qui seraient inconstitutionnelles, en plus d’être politiquement suicidaires. Il espère cependant convaincre les ultras de l’indépendantisme catalan de s’abstenir lors d’un vote d’investiture.
C’est là qu’interviennent les votes des Espagnols de l’étranger. Un siège de la province de Madrid, majoritairement à droite, a, en effet, été remporté par les socialistes avec un écart de seulement 1749 voix, faisant espérer au PP un retournement de situation.
Si c’était le cas, et si aucun changement n’était enregistré dans les autres circonscriptions, le rapport de forces entre les deux blocs s’inverserait (171 pour la gauche, contre 172 pour la droite). Sánchez ne pourrait alors plus se contenter d’une abstention des indépendantistes de Junts : il aurait besoin de leurs votes pour dépasser ceux du bloc de droite. L’intransigeance de Junts s’en trouverait sans doute accrue.
Les socialistes, qui ne sont pas pressés, ont fait savoir initialement qu’ils ne comptaient pas entamer de discussions avec les partis indépendantistes catalans avant la constitution du prochain Congrès des députés, le 17 août.
Mais la perte d’un siège pourrait les contraindre à revoir leur calendrier, car le 17 août aura également lieu l’élection à la présidence du congrès des députés, poste stratégique que les socialistes veulent conserver. Là encore, les sept députés de Junts pourraient être décisifs.