Grève des acteurs à Hollywood: les clés pour comprendre un mouvement historique

Les acteurs américains sont officiellement entrés en grève vendredi à 00H00 (07H00 GMT), rejoignant ainsi les scénaristes pour un double mouvement social jamais vu depuis 1960 à Hollywood, qui promet de paralyser la production cinématographique et télévisuelle américaine.Voici quelques clés pour comprendre la portée de cette grève historique.

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Cette grève, décidée par la SAG-AFTRA, syndicat unique des acteurs, engage ses 160.000 membres, qu’ils soient de simples figurants, des cascadeurs, des seconds rôles occasionnels ou des vedettes.

« Les grandes stars ont des contrats individuels en plus du contrat syndical (…) mais restent néanmoins membres du même syndicat », rappelle à l’AFP Jonathan Handel, avocat spécialisé dans l’industrie du divertissement. Et qui dit même contrat, dit mêmes obligations ».

De nombreuses célébrités, parmi lesquelles Meryl Streep, Ben Stiller ou Colin Farrell, se sont d’ailleurs déjà publiquement prononcées en faveur d’une grève.

Elles vont devenir un porte-voix essentiel, « mais cette grève n’a pas pour but d’apporter plus d’argent à des personnes qui ont déjà des millions« , explique M. Handel. Le mouvement social est crucial pour la multitude d’acteurs, bien moins payés, qui doivent « continuer à mettre de la nourriture sur la table et garder un toit au-dessus de leur tête. »

Hollywood opère déjà au ralenti depuis mai avec la grève des scénaristes et va désormais se retrouver complètement à l’arrêt. Sans comédiens, impossible de tourner, même sur la base de scripts terminés avant le printemps, comme le faisait récemment la série Amazon « Les Anneaux de Pouvoir« , préquel du « Seigneur des Anneaux« .

Seuls quelques talk-shows et émissions de télé-réalité vont se poursuivre. De quoi bouleverser les grilles télévisuelles aux Etats-Unis. Sans séries, la chaîne Fox va ainsi proposer essentiellement des programmes de téléréalité comme « Cauchemar en cuisine » ou « Lego Masters » cet automne.

Plus la grève durera, plus les retards s’accumuleront. La sortie des futurs blockbusters risque d’en pâtir, car il s’écoule de longs mois entre la fin d’un tournage et la sortie au cinéma.

Le mouvement peut aussi affecter à la marge les productions internationales, selon M. Handel. « Lorsque des acteurs du SAG-AFTRA travaillent sur un film tourné en Europe, en Australie, en Asie ou ailleurs, ils doivent cesser le travail« , explique-t-il.

La grève risque de « durer jusqu’à l’automne« , pronostique l’avocat. Le conflit pourrait même « s’éterniser« , vu les crispations majeures entre acteurs et studios.

De quoi accélérer selon lui la migration du grand public vers les plateformes de streaming comme Netflix, qui proposent dans leurs catalogues quantités de productions internationales ou d’émissions de télé-réalité.

Comme les scénaristes, les acteurs réclament une revalorisation de leurs rémunérations « résiduelles« , qui découlent de chaque rediffusion d’un film ou d’une série et ont dégringolé avec l’avènement du streaming.

Substantiels pour la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d’audience et paient un forfait, indépendamment du succès.

Eric Edelstein, un acteur qui a joué un petit rôle dans « Jurassic World« , a récemment illustré cette érosion dramatique auprès du Los Angeles Times. Les revenus tirés de la rediffusion du film sur les chaînes câblées lui ont rapporté 1.400 dollars (1.250 euros) sur un trimestre. Pour la même période, le comédien a touché 40 dollars (35 euros) au titre des rediffusions en streaming.

Les acteurs craignent également d’être remplacés par l’intelligence artificielle (IA). Ils réclament des garanties contre le clonage de leur voix et de leur image sans consentement.

Enfin, ils protestent contre les « auditions auto-enregistrées« , devenues monnaie courante avec la pandémie: les studios réclament aux candidats de se filmer eux-mêmes à distance, ce qui les prive du retour des directeurs de casting.

Il s’agit de la première grève des acteurs depuis 1980 à Hollywood. Le dernier double mouvement social réunissant comédiens et scénaristes remonte lui à 1960. A l’époque, le futur président des Etats-Unis Ronald Reagan menait le syndicat des acteurs et s’était construit une stature politique en obtenant d’importantes concessions des studios.

L’impact économique de cette grève risque d’être faramineux. La dernière grève des scénaristes en 2007-2008 avait duré 100 jours et coûté deux milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) au secteur.

Pourtant, de nombreux travailleurs d’Hollywood veulent se battre, car ils estiment que l’industrie traverse une crise existentielle, entre précarisation liée au streaming et menaces technologiques.

« C’est un moment historique« , a insisté jeudi Fran Drescher, l’ex-star de la série « Une nounou d’enfer » qui préside la SAG-AFTRA. « Si nous ne nous levons pas maintenant, (…) nous risquons tous d’être remplacés par des machines et des grandes entreprises qui se préoccupent plus de Wall Street que de vous et de votre famille. »

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