France : le gouvernement de nouveau épinglé pour son recours “inapproprié” aux cabinets de conseil

Le gouvernement français a été de nouveau épinglé lundi pour des recours “inappropriés” aux cabinets de conseil privés, un dossier qui embarrasse la présidence Macron et a conduit à l'ouverture d'enquêtes judiciaires.

Par

Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, lors d'une rencontre organisée par McKinsey en 2016 Crédit: AFP

La controverse est partie d’une retentissante commission d’enquête parlementaire qui avait qualifié, en 2022, de “phénomène tentaculaire” les missions confiées aux cabinets privés par l’Etat depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017. “Un scandale d’Etat”, selon les oppositions.

Elle a rebondi sur le terrain judiciaire. Des investigations ont été ouvertes sur le rôle spécifique du cabinet McKinsey dans les campagnes présidentielles victorieuses d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022, donnant notamment lieu une perquisition au siège du parti présidentiel. Une autre enquête financière vise le cabinet américain pour des soupçons de blanchiment de fraude fiscale.

Sur la défensive, le gouvernement a reconnu des “abus” et promis de limiter son recours à ces cabinets en direction desquels les dépenses de l’Etat ont triplé pendant le premier quinquennat Macron, entre 2017 et 2022.

à lire aussi

Tout en saluant des avancées, la Cour des comptes a appelé, dans un rapport lundi, le gouvernement à un recours “mieux maîtrisé” à ces cabinets, s’inquiétant encore de certains usages “inappropriés”.

Gardienne de l’utilisation des fonds publics, la Cour accuse notamment l’Etat de laisser certains prestataires privés remplir des missions relevant pourtant du “coeur de métier de l’administration”, voire d’“intervenir dans le processus de décision”.

Selon cette institution respectée, le recours aux consultants privés a eu tendance à devenir une “solution de facilité” pour une administration aux moyens et aux délais contraints. L’Etat a ainsi fait appel à eux pour l’épauler dans la campagne de vaccination contre le Covid.

Les magistrats financiers insistent: ils n’ont pas “d’objection de principe” à “l’externalisation d’une partie des tâches” de l’administration.

Mais cette externalisation doit retrouver “une place plus ajustée et mieux maîtrisée parmi les différents instruments des administrations pour conduire leurs missions”, jugent-ils.

L’Etat doit ainsi faire appel “chaque fois que c’est possible” à ses agents, recommande encore la Cour.

En 2021, les prestations commandées par l’Etat français aux consultants ont coûté 233,6 millions d’euros. En incluant les prestations commandées aux cabinets dans le domaine informatique, la facture grimpe à 890 millions.

“Ce sont des ordres de grandeur nettement moins élevés que dans la plupart des pays comparables”, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, a nuancé lundi le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici en présentant le rapport à la presse.

La Cour des comptes note par ailleurs que ces dépenses sont retombées à 200,2 millions en 2022, année durant laquelle le gouvernement a édicté une circulaire porteuse, pour l’avenir, “de sensibles améliorations”.

L’Etat s’est notamment doté d’objectifs chiffrés de réduction de ses dépenses de conseil: -15% en 2022 et -35% en 2023 par rapport à 2021.

Mais la circulaire a été diffusée “sous la pression de l’actualité » et doit impérativement être “complétée”, assure la Cour. “Les mauvaises habitudes peuvent vite se réinstaller”, a également mis en garde Pierre Moscovici.

Dans sa réponse annexée au rapport, la Première ministre Elisabeth Borne ne juge “pas opportun de définir une doctrine plus fine d’emploi des prestations intellectuelles à un niveau interministériel”, la décision devant selon le gouvernement plutôt revenir à chaque ministère.