Sénégal : contumace, nouveau délit ou annulation du procès, des hypothèses qui se présentent après la condamnation de Ousmane Sonko

Le leader du parti Pastef, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, a été condamné, jeudi, par contumace à 2 ans de prison ferme pour “corruption de la jeunesse” dans l’affaire dite “Sweet beauté” l’opposant à Adji Sarr, une peine qui compromet son éligibilité à l’élection présidentielle prévue en février 2024 au Sénégal.

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Ousmane Sonko.

“Jugé par contumace”, le maire de Ziguinchor (sud) ne peut pas interjeter appel, en vertu du Code pénal du Sénégal, selon les analystes et ses avocats. Mais, c’est la décision finale du juge qui va déterminer la suite de la procédure.

Si le magistrat de la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar, Issa Ndiaye, écrit expressément dans son arrêt que Ousmane Sonko “est condamné par contumace”, cela veut dire que ce dernier, considéré comme accusé, n’aura aucune autre voie de recours.

Toutefois, si le juge ne précise pas cette question, l’opposant pourrait être considéré comme prévenu d’autant plus qu’il est condamné pour “corruption de la jeunesse” prévu et puni par l’article 324 du Code pénal sénégalais. Quoi qu’il en soit, avec cette peine de prison ferme, Ousmane Sonko “pourrait être arrêté à tout moment et envoyé en prison”, a précisé son avocat, Me Bamba Cissé.

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À signaler que même si un accusé est condamné par contumace, la loi a prévu des hypothèses où la décision de la Chambre criminelle serait automatiquement anéantie et le procès annulé.

Ainsi, l’article 356 du Code de procédure pénale stipule : “Les accusés non détenus, s’ils ne défèrent pas à la citation prévue à l’article 224, sont jugés par contumace par la Cour d’assises, devenue Chambre criminelle. S’ils se constituent ou s’ils viennent à être arrêtés avant les délais de prescription, l’arrêt de condamnation est anéanti de plein droit et il est procédé à nouveau dans les formes ordinaires à moins que le contumax déclare expressément, dans un délai de dix jours, acquiescer à la condamnation.

Donc, si Ousmane Sonko est arrêté, le jugement est annulé et le procès reprend. S’il se constitue prisonnier, la décision est également annulée et le procès reprend de nouveau. Selon des spécialistes, si le statu quo reste en l’état, la décision devient définitive et elle sera mentionnée dans son casier judiciaire.

À noter qu’aussitôt après la condamnation de leur client, les avocats d’Ousmane Sonko ont annoncé une réunion d’urgence pour “décider de la conduite à prendre” dans les prochaines heures.

S’exprimant sur cette question qui préoccupe l’opinion publique, le ministre sénégalais de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a déclaré que l’opposant peut être arrêté “à tout moment”. “La condamnation doit être exécutée. On est en matière de contumace et la mesure peut être exécutée à tout moment”, a dit le ministre sénégalais.

À la suite du verdict, des actes de violence et affrontements violents ont éclaté entre des partisans de Sonko et les forces de l’ordre dans des quartiers de Dakar et d’autres villes du pays, ayant fait, selon un bilan officiel 9 morts dans la capitale et à Ziguinchor (sud).

Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions sur des biens publics et privés et, malheureusement, neuf décès à Dakar et à Ziguinchor” (sud), a dit le ministre sénégalais de l’Intérieur, Antoine Diome, dans un point de presse dans la nuit de jeudi à vendredi.

Le ministre a annoncé en présence du porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, et du ministre de la Communication, Moussa Bocar Thiam, que les autorités sénégalaises avaient restreint l’accès aux réseaux sociaux. Le ministre a par ailleurs appelé au calme et assuré que l’Etat prenait “toutes les mesures” de sécurité nécessaires.

Antoine Diome a aussi invité les médias classiques à ne pas “diffuser des messages de haine”. “Nous rappelons aux médias l’importance du respect du Code de la presse, qui permet à l’autorité administrative de prévenir ou de faire cesser toute atteinte à la sûreté de l’Etat ou à l’intégrité du territoire national”, a prévenu le ministre de l’Intérieur.

Ousmane Sonko se trouve à son domicile à la Cité Keur Gorgui à Dakar où il avait été ramené dimanche dernier par les forces de l’ordre alors qu’il conduisait une “caravane de la liberté” à destination de Dakar. Selon des médias locaux, le dispositif sécuritaire déployé autour de ce quartier a été “drastiquement réduit” vendredi matin.

À rappeler que Sonko, candidat déclaré à la présidentielle de 2024, a été déjà condamné fin mars à six mois de prison avec sursis pour “diffamation” contre le ministre du tourisme. Cette condamnation à elle seule, si elle est maintenue en cassation, menace l’éligibilité de Ousmane Sonko à la Présidentielle du 25 février 2024.