Nous sommes ici face à un violeur manipulateur”, a déclaré l’avocat de la plaignante, François Zimeray, ancien diplomate français et spécialiste des droits humains, devant le Tribunal correctionnel de Genève.
La défense va s’atteler à démontrer cet après-midi l’innocence de l’islamologue suisse, au dernier jour de ce procès. Le procureur a réclamé mardi une peine de seulement trois ans de prison, dont la moitié ferme en raison de l’ancienneté de l’affaire. Tariq Ramadan nie tout en bloc.
Convertie à l’islam, la plaignante, qui a choisi le pseudonyme de “Brigitte” pour se protéger des menaces, assure que l’islamologue l’a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans une chambre d’hôtel situé près de la gare à Genève, la nuit du 28 octobre 2008.
“Nous sommes ici au-delà du viol”
“Nous sommes ici au-delà du viol”, a assuré Me Zimeray, qualifiant les faits de “torture et barbarie”. “Il y a des violeurs qui sont violeurs parce qu’ils ont fait l’impasse sur le consentement, mais il y a des violeurs dont la satisfaction des instincts passe par la souffrance de leur victime. Et c’est le cas de Tariq Ramadan”, a-t-il affirmé par la suite.
Sa cliente demande le remboursement des frais d’avocats et une indemnisation à hauteur de 50.000 francs suisses (51.300 euros).
Elle a indiqué avoir fait sa connaissance lors d’une séance de dédicaces, quelques mois avant l’affaire, puis lors d’une conférence en septembre. S’en était suivie une correspondance de plus en plus intime sur des réseaux sociaux. Elle avait une quarantaine d’années au moment des faits, mais a porté plainte seulement dix ans plus tard, en 2018, encouragée, a-t-elle expliqué, par le fait que des femmes aient également porté plainte en France contre Tariq Ramadan. C’est la première fois qu’il est jugé pour viol, mais il est menacé d’un procès en France pour des faits similaires.
Le procès à Genève, qui a démarré lundi, s’est déroulé dans une ambiance extrêmement tendue. Le jugement est attendu le 24 mai.
Les deux parties s’accordent à dire que Tariq Ramadan et la plaignante ont passé la nuit ensemble dans la chambre d’hôtel, qu’elle a quittée tôt le matin. Mais Ramadan assure que c’est la plaignante qui s’est invitée dans sa chambre d’hôtel et dit avoir été victime d’un “piège”. Il dit s’être laissé embrasser, avant de mettre fin à l’échange après quelques minutes.
Cependant, selon l’acte d’accusation, il s’est rendu coupable de “viol à trois reprises” dans la même nuit et de “contrainte sexuelle”.
“Elle a bien dit la vérité”, a assuré l’avocat principal de la plaignante, Robert Assaël, pendant sa plaidoirie. “Est-ce que l’on peut inventer pareille histoire avec autant de détails ?”
Docteur de l’université de Genève, Tariq Ramadan a été professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, et invité de nombreuses universités au Maroc, en Malaisie, au Japon ou au Qatar. En France, il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017. Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une cour d’assises et il appartient aux juges d’instruction d’ordonner un procès ou pas.