Dieudonné témoigne en faveur de Tariq Ramadan à son procès pour viol à Genève

L’humoriste controversé Dieudonné est venu mardi à Genève témoigner en faveur de l’islamologue Tariq Ramadan, qui comparaît pour un viol qu’il nie dans une affaire qui remonte à 2008.

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L'humoriste français controversé Dieudonné Mbala Mbala s'adresse à la presse alors qu'il arrive pour témoigner au deuxième jour du procès de Tariq Ramadan au Palais de justice de Genève, le 16 mai 2023. Crédit: Fabrice Coffrini / AFP

Je ne suis vraiment pas là pour faire un spectacle. Aujourd’hui je suis là pour éclairer, pour apporter un témoignage et dire ce que j’ai entendu et dire la vérité”, a déclaré Dieudonné aux journalistes devant le tribunal.

La plaignante suisse, présente dans la salle durant tous les débats lundi, a été brièvement entendue avant l’arrivée de Dieudonné pour expliquer au président du tribunal correctionnel de Genève qu’elle collaborait auparavant avec l’humoriste en tant qu’agent artistique.

Le tribunal a souhaité, à la demande de la défense, faire témoigner Dieudonné car son nom apparaît dans un courrier anonyme récemment reçu par les juges. Selon l’humoriste français, ce courrier a été envoyé par un de ses producteurs artistiques avec qui il n’est plus en contact.

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Il a expliqué avoir recueilli, en présence d’autres personnes, les confidences de “Brigitte” à propos de sa relation avec M. Ramadan, assurant qu’elle avait parlé de “coup d’un soir ou de quelque chose comme ça”, sans mentionner de violence. “Je crois en l’innocence” de Tariq Ramadan, a-t-il dit, lorsqu’il lui a été demandé pourquoi il était important de venir témoigner.

Avant l’arrivée de Dieudonné en salle, la plaignante avait fait part de sa version concernant cette rencontre : l’humoriste lui a “demandé si l’histoire avec Tariq Ramadan était vraie ; et j’ai dit oui”. “Il n’y a pas eu d’autres confidences. C’était peu de temps après les faits. On s’est revus lors d’un spectacle ou deux et on n’en a jamais reparlé”, a-t-elle ajouté.

Convertie à l’islam, la plaignante, qui a choisi le prénom d’emprunt de “Brigitte” pour se protéger des menaces, avait une quarantaine d’années à l’époque des faits. Elle assure que l’islamologue l’a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes, le soir du 28 octobre 2008, dans une chambre d’hôtel à Genève. Elle a porté plainte en 2018.

Dans la salle du tribunal, “Brigitte” est séparée de Tariq Ramadan par un paravent pour ne pas avoir à le voir durant ce procès qui est pour elle “une épreuve et non une thérapie”, selon le mot de l’avocat de la plaignante, Me François Zimeray.

Elle a indiqué durant l’enquête avoir fait la connaissance de l’islamologue lors d’une séance de dédicaces, quelques mois avant les faits, puis l’avoir revu lors d’une conférence en septembre. S’en était suivie une correspondance de plus en plus intime sur des réseaux sociaux.

Verdict attendu le 24 mai

L’intellectuel suisse, figure charismatique et contestée de l’islam européen, risque entre deux et dix ans de prison. Le jugement est attendu le 24 mai. “Il y a de multiples contradictions entre ce qui a été dit et ce qu’il y a dans le dossier”, a souligné Me Zimeray. Le procès doit s’achever mercredi.

Tariq Ramadan assure ne pas avoir dit à la plaignante qu’il se trouvait à Genève le soir des faits et soutient que c’est elle qui lui a proposé un café et s’est invitée dans sa chambre d’hôtel. Il reconnaît l’avoir embrassée, avant de mettre fin à la relation. Selon l’acte d’accusation cependant, il s’est rendu coupable de “viol à trois reprises” durant la même nuit et de “contrainte sexuelle”.

Tariq Ramadan, âgé de 60 ans aujourd’hui, est menacé d’un procès en France pour des faits similaires. Docteur de l’université de Genève, où il a écrit une thèse sur le fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans qui était son grand-père, Tariq Ramadan a été professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, et invité de nombreuses universités au Maroc, en Malaisie, au Japon ou au Qatar.

En France, il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017.

Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une cour d’assises. Il appartient aux juges d’instruction chargés des investigations d’ordonner un procès ou pas. Le dossier français lui a valu plus de neuf mois de détention provisoire en 2018, dont il est ressorti en novembre de la même année, restant depuis lors sous contrôle judiciaire. Il est tenu de résider en France, mais bénéficie d’autorisations exceptionnelles pour se rendre en Suisse.