Dans une gigantesque boule de feu, ce mastodonte noir et argenté de 120 mètres de haut s’est arraché du sol vers 8 h 30 locales (13 h 30 GMT), sous les cris de joie des employés de SpaceX. Le théâtre de ce spectacle très attendu était la base spatiale Starbase de SpaceX, située à l’extrême sud du Texas, aux États-Unis.
La cause de l’explosion n’est pas encore connue. Le but de ce vol d’essai était de récolter un maximum de données pour améliorer les prototypes suivants. Lundi, une première tentative de lancement avait été annulée dans les dernières minutes du compte à rebours, à cause d’un problème technique. “Il s’agit du premier vol d’une fusée immense, très complexe”, avait déclaré dimanche le patron de SpaceX, Elon Musk, en qualifiant ce test de “très risqué”.
Du haut de ses 120 mètres, Starship est à la fois plus grande que la nouvelle méga-fusée de la Nasa, SLS (98 m), qui s’est envolée pour la première fois en novembre, et que la légendaire Saturn V, la fusée du programme lunaire Apollo (111 m).
La poussée au décollage de Starship est aussi environ deux fois plus puissante que ces deux lanceurs — ce qui en fait la plus puissante du monde. Elle n’avait encore jamais volé dans sa configuration complète, avec son premier étage surpuissant, appelé Super Heavy et équipé de pas moins de 33 moteurs.
Seul le deuxième étage du véhicule, le vaisseau Starship qui donne par extension son nom à la fusée entière, avait effectué des tests suborbitaux (à environ 10 km d’altitude). C’est lui qui a été choisi par la Nasa pour devenir, dans une version modifiée, l’alunisseur de la mission Artémis 3, qui doit ramener des astronautes sur la surface lunaire pour la première fois en plus d’un demi-siècle, officiellement en 2025.
Jeudi, le plan de vol était le suivant : environ trois minutes après le décollage, Super Heavy devait se détacher et retomber dans les eaux du golfe du Mexique. Mais cette séparation n’a pas eu lieu, la fusée continuant à pivoter avant d’exploser.
Si la séparation avait été réussie, le vaisseau Starship devait ensuite allumer ses six moteurs et continuer seul son ascension, jusqu’à plus de 150 km d’altitude. Après avoir effectué un peu moins d’un tour de Terre durant environ une heure, il devait retomber dans l’océan Pacifique. Mais franchir toutes ces étapes dès le premier vol d’essai aurait été un véritable exploit.
Elon Musk avait tenu à tempérer les attentes, en déclarant qu’atteindre l’orbite du premier coup était peu probable. Il s’était contenté d’espérer que le pas de tir ne soit pas détruit par l’explosion des moteurs de Super Heavy au moment de l’allumage. “Mon plus grand souhait est que, pitié (…) on soit loin du pas de tir avant que quelque chose tourne mal”, avait-il dit.
La fusée a déjà des clients : le premier vol avec équipage de Starship doit être effectué avec le milliardaire américain Jared Isaacman. Le milliardaire japonais Yusaku Maezawa, et l’Américain Dennis Tito (le premier touriste spatial de l’histoire), ont également dit vouloir embarquer pour un voyage autour de la Lune.
Starship doit pouvoir emporter jusqu’à 150 tonnes de chargement en orbite. Pour comparaison, la fusée Falcon 9 de SpaceX ne peut elle emporter qu’un peu plus de 22 tonnes en orbite terrestre basse. Mais la véritable innovation de Starship est qu’elle doit être entièrement réutilisable — ce qu’Elon Musk pense réalisable d’ici “deux ou trois ans”.
Pour ce premier test, il ne devait pas être tenté de récupérer aucun des deux étages de la fusée. Mais à terme, Super Heavy devra revenir se poser contre sa tour de lancement, équipée de deux bras pour l’immobiliser.
Le vaisseau Starship devra, lui, revenir se poser sur Terre à l’aide de rétrofusées. C’est cette manœuvre qui avait été plusieurs fois tentée en 2020 et 2021. Après plusieurs explosions au moment de toucher terre, un prototype avait finalement réussi son atterrissage.
L’idée d’un lanceur réutilisable, la grande stratégie d’Elon Musk, est de casser les prix. Chaque vol de Starship pourrait à terme ne coûter que “quelques millions” de dollars, affirme-t-il.
Un impératif pour le milliardaire, qui estime que les humains auront besoin de centaines de fusées Starship pour avoir une chance de devenir une espèce multiplanétaire. Son but ultime est l’établissement d’une colonie autonome sur Mars.