Ces derniers jours, Al-Kidwa, ex-chef de la diplomatie palestinienne, a fait le chemin inverse de réfugiés en s’embarquant de la France à l’Egypte pour s’installer à Gaza, territoire palestinien contrôlé par les islamistes du Hamas et sous blocus d’Israël.
À Gaza, l’opposant de 69 ans ne s’est pas converti à la doctrine du Hamas mais souhaite trouver une base arrière pour mener ses activités politiques, craignant pour sa vie en cas de retour en Cisjordanie occupée, où siège l’Autorité palestinienne de son désormais rival Mahmoud Abbas.
« Il (Abbas) fait ce qu’il veut, sans considération pour quoique ce soit : la loi, les institutions, les traditions (…) C’est devenu totalitaire », accuse Al-Kidwa dans un entretien à l’AFP depuis ses bureaux de Gaza.
L’an dernier, Al-Kidwa avait été éjecté du Fatah, parti fondé par son oncle Yasser Arafat en 1959 après avoir déclaré son intention de se présenter aux élections législatives sur une liste concurrente de celle de Mahmoud Abbas, actuel dirigeant de la formation.
Mais ce scrutin, qui aurait été le premier de la sorte en 15 ans dans les Territoires palestiniens, a été reporté sine die par Mahmoud Abbas, 86 ans, et dont le leadership est de plus en plus contesté au point où une majorité de Palestiniens souhaitent sa démission selon de rares sondages locaux.
Un régime totalitaire ?
Al-Kidwa estime que plusieurs de ses anciens collègues au sein du Fatah et de l’Autorité palestinienne partagent ses critiques et ses préoccupations. « La question n’est pas celle du bilan des problèmes, mais d’avoir le courage nécessaire de se lever et dire : ‘non’, cela ne peut pas continuer de la sorte », lance Al-Kidwa, qui fait partie des « expulsés » du Fatah comme Mohammed Dahlane, basé désormais aux Emirats arabes unis.
Plus tôt cette année, le neveu d’Arafat avait lancé avec une soixantaine de personnalités palestiniennes l’Initiative nationale du Salut, un projet visant à réunir les factions palestiniennes sur fond de tension au sein du Fatah, et entre ce mouvement et le Hamas.
Depuis les affrontements intra-palestiniens de 2007 entre les Fatah et le Hamas, qui a d’ailleurs permis à ce mouvement islamiste de prendre le contrôle de la bande de Gaza, le Conseil législatif palestinien ne s’est pas réuni.
« Les institutions (palestiniennes) ont été détruites et parfois je me dis que cela a été fait exprès. Il (Abbas) dirige par décret », ajoute-t-il. « Dans le temps d’Arafat, il y avait des désaccords politiques, mais pas un climat de peur » au sein du Fatah, plaide-t-il.
Chef à la fois du parti Fatah, du gouvernement de l’Autorité palestinienne et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Mahmoud Abbas contrôle les principaux leviers politiques palestiniens en Cisjordanie.
En mai dernier, il a nommé par décret Hussein al-Cheikh, un membre de sa garde rapprochée comme nouveau secrétaire général de l’OLP, dans un geste perçu comme une manière de placer à l’avant un de ses proches dans une éventuelle course à sa succession.
Or ce choix n’a pas l’appui de la population et pourrait même mener à une situation « chaotique, voire violente », soutient Al-Kidwa, dont le retour dans les Territoires palestiniens est aussi perçu par les analystes comme une façon de se positionner pour l’après-Abbas.
« Le jour après Abbas sera intéressant. Le leadership palestinien va-t-il se désintégrer? Ou va-t-il plonger dans une guerre interne », souligne à ce propos Khaled Elgindy, analyste au Middle East Institute, un centre de recherche basé à Washington. « À moins encore qu’ils se disent: nous devons mettre nos différends de côté, réintégrer des éléments qui ont été expulsés et réinventer un mouvement unifié ».