Nommé Avocat général par Donald Trump, Matt Gaetz peut sauver sa peau... s’il est confirmé au Sénat

Le républicain, élu Représentant en Floride, a été choisi par Donald Trump pour diriger le Département de la Justice à Washington. Bien que le Project 2025 révèle les grandes lignes de ses missions, il ne pourra les remplir que s’il est confirmé par le Sénat… et c’est un grand Si.

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Matt Gaetz, nommé Avocat général des États-Unis par Donald Trump le 13 novembre 2024 Crédit: DR

Le mercato de Donald Trump avant son investiture le 20 janvier n’a rien perdu des controverses que le républicain a agitées durant sa campagne. Cette fois-ci, c’est la nomination du prochain secrétaire de la Justice qui alarme les observateurs, républicains comme démocrates. Matt Gaetz, membre de la chambre de Représentants pour la Floride, est l’homme choisi par le président élu pour succéder à Merrick Garland au poste d’Avocat général des États-Unis, et le conseiller sur les affaires légales dans le cabinet de la Maison Blanche. Qui est-il, et pourquoi Donald Trump l’a-t-il choisi ?

Guerre au “Deep State”

Peu de problèmes aux États-Unis sont plus urgents que celui d’éradiquer la manipulation partisane de notre système judiciaire”, a déclaré Donald Trump sur X, rendant publique la nomination de Matt Gaetz au département de la Justice. “Matt mettra un terme à cela, protégera nos frontières, démantèlera les organisations criminelles et restaurera la foi et la confiance des Américains, gravement saccagée, dans le département de la Justice”, a-t-il annoncé.

Le président élu n’a pas fait étalage précisément des missions qui incomberont à Matt Gaetz à compter du 20 janvier, date d’entrée en fonction de son administration, mais certains indices permettent d’imaginer quelles seront ses priorités.

L’un d’entre eux est le Project 2025, feuille de route rédigée par des ultraconservateurs en cas de victoire du candidat républicain. Dévoilé durant la campagne présidentielle, le projet est radical, au point que Donald Trump et son équipe ont fini par s’en désolidariser. Néanmoins, nombre de ses collaborateurs, anciens ou nouveaux, ont participé à sa rédaction — 140, selon un décompte de CNN.

Parmi eux, Gene Hamilton, qui a servi sous l’administration Trump 1.0 au Département de la Justice, où il a “participé aux politiques migratoires les plus sévères”, indique l’organisme de surveillance non partisan American Oversight. Ce dernier a rédigé le chapitre 17 du projet 2025. Deux priorités résultent des dizaines de pages d’élucubrations de Gene Hamilton. D’abord, mettre au pas le Federal Bureau of Investigation, plus connu sous son acronyme FBI. “La prochaine administration (donc le prochain Avocat général, ndlr) devrait éliminer tous les bureaux au sein du FBI qu’elle a le pouvoir d’éliminer sans le consentement du Congrès”, estime le juriste conservateur. Objectif : affaiblir une institution “hors de contrôle”, et lui “rappeler sa place (…), qui est aux ordres de l’Avocat général”.

Second objectif, plus général, “il est essentiel que la prochaine administration mette un point d’honneur à réformer le Département de la Justice et sa culture (…) devenu une menace pour la République sous Biden”, martèle Gene Hamilton. Pour ce faire, il estime qu’il est central de la débarrasser de la “politisation” — dont il accuse les démocrates de faire une arme — et d’en revenir à ses “valeurs essentielles d’indépendance, d’impartialité, d’honnêteté, d’intégrité, de respect et d’excellence”. Ces objectifs peuvent être retrouvés dans la proposition politique de Matt Gaetz qui pourrait être le parfait Avocat général pour appliquer le programme du Projet 2025.

Par ailleurs, Gene Hamilton affirme que d’un point de vue plus pratique, “ne pas réformer le Département de la Justice garantit l’échec d’un programme conservateur”. Le programme de déportation massive que Donald Trump a annoncé, porté par Matt Gaetz lui-même, aura besoin de lever des barrières légales au sein même du Département de Justice.

Passera, passera pas ?

Mais la nomination de Matt Gaetz ne perturbe pas uniquement à cause du zèle qu’a ce dernier à “corrompre la démocratie elle-même et l’État de droit”, redoutent les juristes émérites de Washington. Car ce choix surprend jusqu’aux républicains eux-mêmes, et cela pourrait poser problème. Car pour entrer dans le cercle très restreint d’une administration présidentielle, Matt Gaetz doit avoir été nommé par le président — ça, c’est fait — et être confirmé par le Sénat. Et la mauvaise réputation de ce dernier ne l’aidera pas.

Le congressman de Floride fait en effet l’objet d’un examen par le Comité d’éthique de la chambre des Représentants. Plusieurs allégations le visent : “l’exhibition de photos de femmes nues à d’autres membres de la chambre, l’usage de drogues illégales, une relations sexuelle avec une fille de 17 ans sachant qu’elle avait été payée, et le détournement de fonds de campagne à des fins personnelles”, liste le New York Times.

Une réputation qui lui vaut le mépris de certains républicains. C’est le cas de Markwayne Mullin, sénateur de l’Oklahoma, qui relatait sur CNN en 2023 : “Nous avons tous vu les vidéos qu’il montrait à la Chambre des représentants (…) des filles avec qui il avait couché. Il se racontait qu’il écrase des médicaments pour les troubles de l’érection et les mélange avec une boisson énergisante afin de pouvoir tenir jusqu’au bout de la nuit.

Par ailleurs, c’est lui qui a orchestré l’éviction du républicain Kevin McCarthy de la présidence de la Chambre des représentants, se mettant à dos toute une frange du Grand Old Party (le parti républicain). McCarthy l’a d’ailleurs prédit sur Bloomberg le 14 novembre : “Gaetz ne sera pas confirmé par le Sénat, tout le monde le sait.

Problème pour Matt Gaetz, s’il en venait à ne pas être nommé à la Justice, le poste de Représentant de la Floride pourrait bien lui glisser aussi entre les doigts. Car le Comité d’éthique rendra bientôt son examen, et le républicain Max Miller (Ohio) ne serait pas surpris si, en cas de trafic de mineur avéré, “la chambre des Représentants décidait de l’expulser”, affirme-t-il au New York Times. La menace concerne aussi Donald Trump, qui, s’il ne réforme pas l’appareil judiciaire grâce au loyal Matt Gaetz, pourrait être de retour devant les juges à la fin de son mandat présidentiel…

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