Désordre et racisme décomplexé… L’après-match fou de Maroc-Argentine

L’exploit du Maroc aux Jeux olympiques de Paris 2024 a été mal digéré par les supporters argentins qui ont réagi sur la toile avec un ton raciste très éloigné des principes défendus par Pierre de Coubertin.

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Macaques”, “Immigrés”, “Africains de mer**”. Ce sont les mots choisis par un grand nombre d’Argentins sur les réseaux sociaux, pour répondre aux Marocains fêtant une victoire historique (2-1) de leur équipe nationale face à l’une des nations favorites pour l’Or de la compétition de football des Jeux olympiques de Paris.

La sélection argentine, euphorique depuis la Copa America remportée par les coéquipiers de Lionel Messi le 15 juillet dernier à Miami (la deuxième consécutive), est pourtant toujours dans la tourmente. Une polémique a déjà éclaté ces derniers jours à cause d’un chant raciste entonné par un grand nombre de joueurs de la sélection alors qu’ils fêtaient leur sacre, en s’adressant aux joueurs de l’équipe de France, leur reprochant leurs origines africaines. Une scène immortalisée dans un live Instagram d’Enzo Fernandez.

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Depuis, la polémique ne désenfle pas. Elle est même montée d’un cran lorsque les supporters de River Plate, club mythique argentin, ont entonné le même chant raciste lors de la réception réservée à Enzo Fernandez, l’enfant du club. Ce mercredi, ils en ont remis une couche après leur défaite surprise face au Maroc, l’un des quatre représentants du football africain aux JO de Paris.

Du jamais vu

Le résultat du match (2-1) est surprenant pour ceux qui prenaient de haut le Maroc avant le coup d’envoi. Forte de sa Coupe du monde et de ses deux Copa America remportées consécutivement par Lionel Messi et les siens, l’Argentine se croyait intouchable sur le terrain du football international.

Sauf que ce mercredi, l’équipe des moins de 23 ans de l’Albiceleste n’avait rien d’extraordinaire, et les hommes de Tarik Sektioui l’ont vite compris. Sans le moindre complexe, ils domineront le match. Techniquement au-dessus, ils ont remporté la victoire au bout de 105 minutes de jeu (15 minutes de temps additionnel), et deux heures de flottement. L’Argentine croyait avoir décroché le point du nul après le but de Medina au bout du suspense (105e). L’envahissement du terrain de quelques supporters a forcé l’arbitre à suspendre le match, alors qu’il restait deux minutes à jouer, sans pouvoir faire vérifier le but par la VAR.

Les joueurs ne quittent pas le stade, restent aux vestiaires et attendent que les gradins se vident. Après un flottement de près de 2 heures, le verdict tombe. Le match se poursuivra pour trois minutes à huis clos, et le but litigieux de l’Argentine sera bel et bien vérifié par l’arbitrage vidéo. Finalement, les mêmes dieux du foot qui ont fait valider le but de la main de Maradona face à l’Angleterre en 1986 annuleront le but de Medina, pour permettre aux Lionceaux de disputer les trois minutes restantes, devant au tableau d’affichage (2-1).

Disciplinés et concentrés, les hommes de Sektioui repousseront les assauts argentins pour glaner les trois points et la première place du groupe qu’ils partagent avec l’Iraq et l’Ukraine. Ces deux derniers se quitteront sur le même score (2-1) pour les Iraquiens, une heure plus tard à Lyon.

Dominés dans tous les compartiments du jeu, les Argentins ont tout logiquement été battus par de vaillants Lionceaux, dans un scénario inédit dans l’histoire du football moderne. Du jamais vu qui rend la défaite plus amère pour les Argentins, eux qui refusaient de perdre à nouveau contre un petit poucet en début de compétition majeure, après le fameux match contre l’Arabie saoudite au Qatar marqué par une défaite 2-1. Assez pour faire ressortir le côté obscur de certains Argentins.

Racisme ancré

Après le coup de sifflet final, en recherchant le terme “Marruecos” sur X, on se retrouve plongé dans une avalanche d’insultes racistes de la part des Argentins, qui donne suite à la polémique du chant envers les joueurs des Bleus, toujours entonné fièrement dans les bars de Buenos Aires.

Quelques interventions de Marocains en réponse aux tweets viennent attiser la haine, certes, mais ne sont qu’une réaction au flot d’insultes prononcées par les supporters de l’Albiceleste, en colère contre leur sélection des moins de 23 ans, qui représente l’avenir de leur football, avec notamment la présence de quatre champions du monde 2022, et deux de ses pépites, Almada et Etcheverri.

Ils viennent du Maroc, mais immigrent en Europe. Ils traversent à pied, avec un bébé. Les Espagnols ne savent plus quoi faire. Même si les frontières ferment. Même s’ils les laissent entrer, le problème demeure, parce qu’ils se noient dans la mer”, pour traduire littéralement le tweet de ce compte de supporters du River Plate, republié plus de 500 fois à l’heure où nous écrivons ces lignes. Et ce n’est qu’un tweet parmi tant d’autres. Il suffit de défiler les réponses des internautes argentins et utiliser l’outil de traduction pour lire toutes sortes d’atrocités.

Rappelons que la culture du Maroc c’est : émigrez vers l’Espagne et d’autres pays parce que votre pays s’effondre (littéralement). Viol et exploitation des femmes… Ils ne veulent les voir nulle part à cause de leur état”, rajoute la même page dans une autre publication. Ce compte ira même jusqu’à publier une photo de débris de maisons endommagées par le séisme d’Al Haouz, pour “montrer” l’état du Maroc. Loin d’être une exception, cette page n’était pas la seule à dévoiler le côté obscur et raciste d’une partie des Argentins. D’autres comptes pointeront du doigt l’Afrique, la France et ses “immigrés”.

 

Cette guéguerre sur X entre Marocains et Argentins vient donc faire suite à la précédente entre les Sud-Américains et les Français, déclenchée par les propos racistes chantés par les joueurs de l’équipe première de l’Argentine, suite à son sacre à la Copa América.

Ils jouent pour la France, mais viennent d’Angola, ils vont bien courir, ils aiment bai*** des transsexuels, leur mère est nigériane, leur père est cambodgien, mais sur le passeport : Français”, chantaient en chœur les joueurs de l’Albiceleste lors du live diffusé par le joueur de Chelsea, lors de la célébration des siens, qui ressassent leur finale de Coupe du monde au Qatar remportée aux dépens de la France de Mbappé.

Enzo Fernandez a tout de suite coupé le Live, mais après quoi ? La vidéo a fait le buzz, plusieurs joueurs de l’équipe de France se sont indignés sur les réseaux sociaux. Certains coéquipiers français du joueur de Chelsea ont “unfollow” l’Argentin sur Instagram dans la foulée. Les propos ont poussé la Fédération française de football à porter plainte pour racisme. Karina Milei, la sœur du sulfureux président argentin d’extrême droite, Javier Milei, et secrétaire générale de la présidence, a même rencontré l’ambassadeur de France jeudi dernier afin de présenter des excuses officielles. Quant à Hernandez, il s’était lui aussi excusé, après le tollé causé par son Live.

Mauvaise foi

L’exploit du Maroc n’a pas seulement causé une nouvelle polémique raciste dans les rangs argentins. Cette déconvenue “surprise” de l’Albiceleste a aussi fait des dégâts au moral de cette équipe, pourtant favorite de la compétition de football de ces JO qui démarrent sur les chapeaux de roues.

Javier Mascherano, ancienne gloire de l’Argentine aujourd’hui sélectionneur de son équipe olympique, a laissé exploser sa joie au moment du but de Medina en fin de match. Critiqué tout au long de sa période, il ne s’est pas accordé de répit lorsque les siens se sont inclinés en amical face à la Guinée il y a quelques jours. La déroute face au Maroc est venue confirmer les doutes, lui qui croyait éviter le pire, avant la reprise et l’annulation du but.

Le plus grand cirque que j’ai vu de ma vie”, a déclaré Mascherano après la défaite des siens en zone mixte. Et de critiquer l’organisation, en révélant que leur camp d’entraînement a été envahi hier par des “voleurs” qui ont dérobé les biens de certains joueurs, dont Almada. Il n’évoque en aucun cas la prestation des siens, encore moins celle de son adversaire qui a été au-dessus. Il confie ensuite qu’ils “essayent désormais de passer à autre chose”, en vue de la prochaine rencontre face à l’Irak, vainqueur de l’Ukraine (2-1).

Nicolas Tagliafico, le latéral gauche de l’équipe première, s’étonne de la décision de reprise du match suspendu, deux heures plus tard, après l’invasion du stade par des supporters.

En quittant le cirque, allons-nous parler de la raison pour laquelle il a été suspendu ou allons-nous continuer à être stupides ? Si cela avait été l’inverse, je ne peux même pas imaginer ce qu’ils diraient.” Évidemment, il ne parle en aucun cas de la position de hors-jeu qui a fait annuler le but de ses cadets, à juste titre. Le capitaine légendaire de l’Albiceleste, Lionel Messi, médaillé d’or des JO de 2008, s’exprimera également en story Instagram, qualifiant la situation d’“insolite”, après la défaite des u-23, qu’il suit tout particulièrement depuis que son ami et ancien coéquipier, Mascherano, est en charge de l’équipe.

Quant à la presse argentine, elle est partagée entre indignation, surprise et étonnement. La chaîne TyC Sports a été la première à diffuser les images en provenance du VAR, annonçant que le but égalisateur était entaché d’une position de hors-jeu. Sur place, le média argentin a été parmi les premiers à annoncer la reprise du match “suspendu” avec la crainte de voir le but égalisateur annulé.

Pour sa part, la Fédération argentine de football a porté plainte auprès du comité disciplinaire de la FIFA, comme l’affirme un communiqué de l’instance qui comporte une déclaration de son président, Chiqui Tapia. “Ce que nous avons dû vivre aujourd’hui en tant qu’Argentins à Saint-Étienne est regrettable. Attendre presque deux heures dans le vestiaire, uniquement pour que nos joueurs retournent s’échauffer et continuent à jouer un match qui aurait dû être suspendu par l’arbitre principal après l’envahissement du terrain par les spectateurs marocains et la violence subie par la délégation argentine, est vraiment insensé et va à l’encontre des règles de la compétition”, peut-on lire dans le communiqué.

De plus, les opinions des capitaines des deux équipes, qui croyaient que le match ne devait pas reprendre, n’ont pas été entendues. De la part de l’Association de football argentin, nous avons déjà soumis la plainte au Comité disciplinaire de la FIFA pour que les mesures réglementaires pertinentes soient prises et une sanction imposée aux responsables”, poursuit le communiqué.

Bien avant leur cérémonie d’ouverture, les JO sont bel et bien lancés.