Chute de 21% des fusions-acquisitions : la sévérité des autorités européennes de la concurrence pointée du doigt

Les principaux gendarmes français et européens de la concurrence ont fait preuve d’une sévérité accrue dans leur contrôle des opérations de concentration en 2023, selon un rapport publié mercredi par le cabinet Allen & Overy.

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Les autorités de la concurrence européennes et françaises ont empêché 20 opération de concentration en 2023. Crédit: AFP

Dans les 26 juridictions couvertes par le rapport du cabinet d’avocat d’affaires Allen & Overy, qui comprennent notamment l’Union européenne, les États-Unis ou le Royaume-Uni, 20 opérations ont été bloquées par les autorités de la concurrence l’année dernière, contre 13 en 2022.

Par ailleurs, 18 projets de fusion ou d’acquisition ont été abandonnés par les entreprises impliquées en raison de “préoccupations” liées au droit de la concurrence, soit un de moins qu’en 2022. “Dans les faits”, le nombre de transactions envisagées qui n’ont finalement pas vu le jour “est probablement encore plus élevé”, commente Allen & Overy.

Le risque d’intervention des autorités de la concurrence pousse certaines entreprises “à abandonner des transactions à un stade très précoce, voire à ne pas les entreprendre du tout”, estime le cabinet d’avocats.

L’instabilité du droit de la concurrence : un frein à la concentration

Parmi les facteurs d’incertitude qui contribuent à la raréfaction des opérations de concentration, les auteurs du rapport pointent aussi les interprétations parfois divergentes du droit de la concurrence. En 2023, la moitié des 12 transactions soumises à la fois à l’approbation du gendarme britannique (CMA) et européen (Commission européenne) ont été marquées par des décisions divergentes des deux autorités.

Les avocats d’affaires citent notamment le projet de rachat par Booking de l’agence de voyages en ligne eTraveli, bloqué par la Commission européenne, mais rapidement validé par la CMA en raison des faibles parts de marché d’eTraveli au Royaume-Uni. Autre exemple : dans le projet de rachat par Microsoft de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard, le gendarme européen a été plus souple que ses homologues britannique et américain sur les contreparties demandées à l’acquéreur pour valider la transaction.

“20 % des opérations bloquées” sont des fusions-acquisitions

La possibilité d’aboutir à des décisions divergentes (d’une autorité nationale à une autre, NDLR) représente un défi croissant pour les entreprises impliquées dans des transactions multinationales”, avertit Allen & Overy. Selon le spécialiste des données financières Refinitiv, arrêtées à fin novembre, le montant cumulé des fusions et acquisitions a chuté de 21 % dans le monde entre 2022 et 2023.

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D’un point de vue sectoriel, Allen & Overy relève que “les fusions-acquisitions dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies ont fait l’objet d’une analyse accrue des autorités (de la concurrence, ndlr) et représentent 20 % des opérations bloquées en 2023.”

En France, une sévérité assumée

Selon Florence Ninane, responsable du département droit de la concurrence du cabinet à Paris, ce secteur “en forte croissance” restera “vraisemblablement au cours des préoccupations des autorités de concurrence” en 2024. L’Autorité française de la concurrence a d’ailleurs cité mardi la surveillance de “l’économie numérique” parmi ses priorités pour les années 2024 et 2025, en plus du soutien à la transition écologique et au pouvoir d’achat des consommateurs.

Elle doit ainsi rendre “avant l’été” un avis sur le fonctionnement concurrentiel du marché de l’intelligence artificielle (IA). Selon son président Benoît Coeuré, “l’objectif de l’Autorité est d’éviter que dans 5 ans, I’IA générative soit dominée par 3 ou 4 acteurs dans le monde”.