Il y a du nouveau dans l’affaire du jeune Badr Bouljoihel, tué dans la nuit du 30 juillet dernier sur la corniche de Casablanca. Le meurtre, qui avait soulevé une vive émotion au Maroc, avait eu lieu dans le parking du McDonald’s Aïn Diab, sous les yeux de plusieurs témoins.
Les caméras du fast-food avaient enregistré la sordide scène. La vidéo, où l’on voit plusieurs personnes s’en prendre à la victime, la faire tomber au sol, avant qu’une voiture ne lui roule dessus, s’était rapidement retrouvée sur le web. Elle avait alors été massivement relayée sur les réseaux sociaux, suscitant l’indignation de l’opinion publique. Des images insoutenables que sa mère, dévastée, n’a jamais pu voir. “Mon fils est parti d’une façon atroce. Personne ne supporterait de voir la vidéo. Mes enfants et mes frères et sœurs m’ont demandé de ne pas la voir et je les ai écoutés, mais les gens me disent que personne ne peut supporter les images”, confie Fatima dans un témoignage parvenu à TelQuel.
Cela ne l’a pas empêchée d’imaginer le déroulement du meurtre en détail. “À partir de ce que les gens ont raconté après avoir visionné la vidéo, la scène s’est dessinée dans ma tête, ce n’est même plus la peine de la voir. C’est très dur pour moi”, déplore-t-elle.
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En attente du procès
Plus de quatre mois après le drame, la famille de la victime attend à présent qu’une date soit fixée pour le début du procès. Selon elle, l’enquête policière, menée sous la supervision du parquet, a été “clôturée il y a cinq semaines”.
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Dans cette affaire très médiatisée, la police s’est rapidement mobilisée pour arrêter les suspects. Dès le 1er août 2023, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a diffusé un communiqué dans lequel elle annonce l’interpellation par la police judiciaire de Casablanca, en coordination avec leurs homologues de Laâyoune, du principal suspect.
Des informations fournies par les services de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) à la brigade chargée de l’enquête avaient permis de localiser le mis en cause et de l’appréhender à plus de 1000 kilomètres du lieu du crime, dans la ville de Laâyoune, en compagnie de son gendre. La voiture qui a percuté la victime a, elle, été saisie à Casablanca.
Deux jours plus tard, on apprend qu’au total, cinq personnes ont été placées en état d’arrestation sur décision du procureur général du roi près la Cour d’appel de Casablanca. Les cinq suspects sont accusés d’homicide volontaire et de constitution d’une bande criminelle, selon les réquisitions du parquet.
“Je ne souhaite à personne de vivre ce que je vis avec mes enfants. Personne ne supporte la séparation avec Badr, ni moi, ni sa famille et ses amis”, se désole sa mère. “La justice poursuit son cours comme prévu et nous avons confiance. Tout le monde a vu la vidéo, tout est clair et la justice se fera sa propre opinion”, ajoute-t-elle.
Pour que “justice soit rendue”
Fatima assure aussi qu’après le drame, des membres des familles des accusés lui ont proposé de “grandes sommes d’argent”, mais qu’elle n’a pas accepté pour que “justice soit rendue” à son fils. Indignée, la sœur de la victime, Hayat, nous a affirmé la même chose.
Quelques jours après le meurtre, des médias ont rapporté que le principal suspect avait déjà causé la “mort involontaire” de deux autres personnes en 2018, lors d’un accident de la circulation. Un premier jugement avait été rendu en première instance, le 12 mars 2019, à Casablanca, le condamnant à une amende de 7500 dirhams pour meurtre involontaire, de 300 dirhams pour manque de contrôle et de 300 dirhams pour non-exécution des manœuvres nécessaires pour éviter l’accident.
L’affaire avait fait l’objet d’un appel par le ministère public, qui avait rendu une décision le 25 juillet 2019, le condamnant cette fois à une peine d’un an de prison ferme, avec une amende de 30.000 dirhams pour homicide involontaire, ainsi que la suspension de son permis de conduire pendant deux ans à partir de la date de retrait effectif de ce dernier. Mais cette décision n’a jamais été exécutée.
“Si justice avait été rendue aux premières victimes, tout cela ne serait jamais arrivé”, regrette Fatima. Aujourd’hui, cette dernière réclame la “peine maximale” pour les auteurs du meurtre de son fils, soit la peine de mort, bien que celle-ci ne soit plus appliquée au Maroc depuis 1993. Et d’affirmer : “L’opinion publique suit de près cette affaire et plusieurs personnes me demandent où elle en est. Je leur réponds que je fais confiance à la justice et que le parquet fera le nécessaire.”