Le dossier du Sahara semble être englué. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a certes adopté, le 30 octobre dernier, une résolution qui prend en compte les recommandations du secrétaire général Antonio Guterres et proroge d’un an le mandat de la Mission des Nations Unies au Sahara (Minurso). Mais les termes de la résolution sont les mêmes que l’année dernière.
Et surtout, ils peinent à condamner un Polisario va-t-en-guerre tandis que le Maroc respecte ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale. Preuve que le texte de la résolution était plus ou moins une affaire entendue, les Etats-Unis ont soumis une première copie le 20 octobre.
Le site spécialisé dans les affaires onusiennes, whatsinblue.org parle même de négociations “faciles”. Cette première version de la résolution est soumise à l’examen du Conseil de sécurité le 24 octobre. La Russie, opposante traditionnelle des états-Unis sur la scène internationale, et le Mozambique, soutien habituel du Polisario, suggèrent alors des modifications au texte.
Une affaire entendue
Du côté de Moscou, le Premier secrétaire de la Mission permanente russe Dmitry Polyanskiy dénonce le “langage vague adopté dans la résolution ainsi que les termes utilisés pour désigner les parties au conflit”. Une référence à la notion de “réalisme” utilisée par le Conseil de sécurité mais aussi par le Maroc : pour Rabat, le plan d’autonomie marocain reste une solution “réaliste” au conflit du Sahara.
Moscou affiche également un soutien clair à l’Algérie, qui, contrairement aux Nations Unies, ne se considère pas comme partie au conflit
Moscou affiche également un soutien clair à l’Algérie, qui, contrairement aux Nations Unies, ne se considère pas comme partie au conflit, et ce alors qu’elle abrite, finance et arme le Polisario. Enfin, côté mozambicain, on adopte pleinement les éléments de langage du Polisario en appelant encore à la tenue d’un référendum au Sahara alors que cette solution a été abandonnée depuis plusieurs années par les Nations Unies.
Cependant, les oppositions affichées par la Russie et le Mozambique sont balayées d’un revers de main par le états-Unis, en charge de la rédaction du texte. Celui-ci est imprimé en bleu dès le 26 octobre, ce qui suggère une soumission au vote le 30 octobre.
Une alternative aux tables rondes
Dans le détail, le texte est quasiment similaire à la mouture adoptée en octobre 2022 par le Conseil de sécurité. La résolution réaffirme la volonté des Nations Unies “d’aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, basée sur le compromis” tout en demandant “de nouveau au Maroc, au Front Polisario, à l’Algérie et à la Mauritanie de coopérer plus intensément les uns avec les autres (et de) participer davantage au processus politique et de progresser sur la voie d’une solution politique”.
Sur ce point, les Nations Unies consacrent la formule des “tables rondes” mises en place durant le mandat de Horst Köhler. Mais le Conseil de sécurité reconnaît également l’importance d’un autre format d’échange mis en place sous le mandat de Staffan de Mistura, à savoir les consultations bilatérales.
En mars dernier, sous l’égide de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, les pays membres du Conseil de sécurité ont échangé avec des représentants du Maroc, de l’Algérie, de la Mauritanie et du Polisario pour étudier de possibles avancées à même de résoudre le dossier.
À cette occasion, le Maroc s’était dit prêt à participer à la relance du processus des tables rondes tandis que l’Algérie s’était prononcée en faveur d’échanges directs entre les séparatistes et le Maroc.
On notera néanmoins que sous l’impulsion de l’administration Trump, le Conseil de sécurité s’était montré plus pressant – en imposant notamment des mandats de 6 mois à la Minurso – pour amener l’ensemble des parties prenantes au conflit du Sahara à entamer des concertations directes.
Les choix qui s’imposent
Après l’impulsion américaine, pourrions-nous voir une implication française renforcée dans la résolution du conflit du Sahara ? C’est ce que semble suggérer la déclaration du Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, Nicolas de Rivière, lors de son intervention au Conseil de sécurité au moment de voter la résolution prorogeant le mandat de la Minurso.
Rappelant le soutien de la France au plan d’autonomie marocain, le diplomate a affirmé qu’ “il est désormais temps d’avancer” dans la résolution du conflit. Un élément de langage nouveau au sein de la diplomatie française sur ce dossier et une déclaration qui intervient quelques jours seulement après la nomination d’une nouvelle ambassadrice du Maroc en France, Samira Sitail.
Entre-temps, le Maroc pourrait se retrouver obligé d’intervenir, seul, afin de faire respecter les résolutions du Conseil de sécurité. Comme en 2020, lorsque les FAR ont investi Guergarat pour évacuer des éléments du Polisario occupant illégalement la zone-tampon. Car si l’ONU appelle l’ensemble des parties à respecter le cessez-le-feu, la résolution du Conseil de sécurité ne condamne ni même ne mentionne les tirs effectués par le Polisario sur la ville de Smara, tirs qui ont fait un mort et trois blessés.
Et les déclarations de Omar Hilale, le Représentant permanent du Maroc à New York, semblent indiquer qu’en cas d’absence d’implication de l’ONU et de la communauté internationale, le Maroc prendrait les choses en main. La balle est donc dans le camp des Nations Unies.