Mélenchon sur sa venue au Maroc : “Je n’ai pas l’intention d’assumer la responsabilité des actes de Monsieur Macron”

Attendu au Maroc le 4 octobre prochain, Jean-Luc Mélenchon dit avoir plus d’une fois alerté sur la politique d’Emmanuel Macron vis-à-vis d’un certain nombre de pays, dont le Maroc, prédisant que “ça allait mal tourner”. Sur LCI, le leader de La France Insoumise n’évoque pas la question du Sahara, mais dit vouloir passer le message selon lequel “la France, ce n’est pas que Monsieur Macron”.

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Jean-Luc Mélenchon pourra-t-il faire l’économie d’une clarification de la position pro-Polisario de son parti ?

C’est un entretien fort édifiant qu’a accordé le dimanche 1er octobre Jean-Luc Mélenchon à LCI. Si le prétexte de l’interview était la parution récente du livre du fondateur de La France insoumise, Faites mieux (Editions Robert Laffont), les sujets évoqués ont très largement débordé du cadre initial de l’émission. Ainsi, au détour d’un échange, Mélenchon est interrogé sur les origines des tensions qui saturent l’atmosphère entre le Maroc et la France.

Vous allez vous rendre prochainement au Maroc, c’est l’un de ces pays où il y a un différend profond avec la France, est-ce que c’est de leur faute où est-ce la faute de la France ?”, questionne le journaliste-intervieweur Darius Rochebin. Ce à quoi Mélenchon répond : “Avant d’y aller, vous allez me permettre de dire des choses qui permettent de rassembler avant de commencer à donner des paires de gifles.” 

Et d’enchaîner : “Je n’ai pas l’intention d’assumer la responsabilité des actes de Monsieur Macron.” L’homme fort de la NUPES confie l’avoir longtemps fait “en ne disant rien, en alertant”. “Je l’ai fait auprès au moins d’un Premier ministre en lui disant ‘ça va mal tourner avec tel ou tel pays’, et ça a mal tourné”, poursuit-il.

Mélenchon estime désormais que son but est “d’essayer à (sa) façon, en tant que Français, de dire à tous ces pays et à tous ces peuples que la France ce n’est pas que Monsieur Macron et nous ne sommes pas dans une relation de domination avec vous. Il faut renoncer à la volonté de puissance”.

Pour rappel, Jean-Luc Mélenchon arrivera au Maroc le 4 octobre, dans le cadre d’une tournée qui comprend un déplacement à la médina de Marrakech, un passage par sa ville natale de Tanger, une série de conférences autour de son récent ouvrage et des rencontres avec une partie de la classe politique marocaine. La figure tutélaire de La France Insoumise se déplace au Maroc sur invitation du PPS de Nabil Benabdellah. Il devrait également se réunir avec le président istiqlalien du groupe parlementaire d’amitié Maroc-France, Mohamed Zidouh. Enfin, le leader de LFI devrait rencontrer Fatema-Zahra Mansouri, la présidente du Conseil national du PAM.

Jusqu’à présent, alors que des médias ont évoqué une possible rencontre avec le chef du gouvernement, aucune confirmation des services de Aziz Akhannouch n’est venue valider cette information.

Quid du Sahara ?

Si la venue de Jean-Luc Mélenchon a soulevé l’enthousiasme de certains, sa prochaine présence au Maroc n’est pas du goût de tous. En cause, le dossier du Sahara et les positions pro-séparatistes de son parti. La France Insoumise (LFI) apporte en effet un soutien sans équivoque aux thèses séparatistes du Polisario.

On se rappelle qu’en 2019, Mathilde Panot, cheffe du groupe parlementaire LFI à l’Assemblée nationale, avait très clairement exprimé via un tweet son “soutien au peuple sahraoui, qui lutte pour son auto-détermination.” Un an plus tôt, le député LFI Loïc Prud’homme avait adressé une question au ministre des affaires étrangères français où il s’inquiétait de “la situation au Sahara Occidental et sur le sort des réfugiés sahraouis”.

Mélenchon n’a jamais fait de déclaration tranchée sur le dossier du Sahara, mais il n’a jamais ni repris ni révisé celles de ses camarades de parti

Enfin, Manon Aubry, élue LFI et co-présidente du groupe confédéral Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) au Parlement européen proposait, le 5 janvier 2023, de remettre le prix Sakharov, récompensant “la liberté d’esprit”, à “une défenseuse des droits humains au Sahara occidental”. La même Manon Aubry, membre de l’intergroupe Sahara occidental au Parlement européen, a signé en 2019, en tant que leader du groupe GUE/NGL, un accord de partenariat avec le Front Polisario, et ce, lit-on dans le communiqué sanctionnant la signature de l’accord, pour “soutenir la lutte du peuple sahraoui pour sa libération”.

Certes, Mélenchon n’a jamais fait de déclaration tranchée sur le dossier du Sahara, mais il n’a jamais ni repris ni révisé celles de ses camarades de parti, laissant logiquement entendre qu’il s’en porte en soutien. Sur le plateau de France 2, dans les jours qui ont suivi le séisme du 8 mai, il a éludé le débat autour des origines du froid qui souffle entre Rabat et Paris, préférant parler de l’épreuve que vit le pays. “Les Marocains n’ont pas un problème avec la France et les Français, mais avec Macron”, s’était-il contenté de déclarer sur la chaîne du service public français.

Sautera-t-il le pas de la reconnaissance ?

Est-ce l’adversité qu’il entretient avec la Macronie qui ouvre à Mélenchon les portes du Royaume, dans une logique d’alliance objective mâtinée de realpolitik ? À ce titre, beaucoup s’étonnent que ce soit l’Istiqlal qui invite le politique français d’extrême gauche, tant l’incompatibilité idéologique entre le parti de l’Istiqlal et LFI est vaste. “Pourquoi Zidouh, président du groupe d’amitié Maroc-France, invite-t-il Mélenchon, s’étonne un ancien élu istiqlalien. On peut comprendre qu’il discute avec Nabil Benabdellah leader d’un parti aux racines communistes, mais pourquoi l’Istiqlal ?”

Autre sujet qui interloque le landernau politique : si la logique “l’ennemi de mon ennemi est mon ami” peut s’appliquer à Mélenchon du fait de son opposition radicale à Emmanuel Macron, les personnalités qui accueilleront le parangon de la gauche peuvent-elles fermer les yeux sur la doctrine du “prisme”, clairement énoncée par le roi Mohammed VI dans son discours du 20 août 2022 ? “Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le Royaume établit”, avait souligné le roi.

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Jean-Luc Mélenchon pourra-t-il faire l’économie d’une clarification de la position pro-polisario de LFI ? La question se posera fatalement, si ce n’est au cours de ses discussions avec les partis politiques marocains, du moins lors des conférences qu’il tiendra au Maroc.

Si la cote de popularité importante dont jouit Mélenchon au Maroc a permis à LFI de décrocher, à travers Karim Bencheikh, la 9e circonscription des Français de l’Étranger, les Marocains d’ici comme de France (qui sont autant d’électeurs potentiels de LFI), demeureront très attentifs à ses positions à la fois personnelles et institutionnelles sur la question du Sahara.

Venus en visite au Maroc en mai dernier, le chef du parti de la droite Gauliste Les Républicains (LR) Éric Ciotti et Rachida Dati, maire LR du 7e arrondissement de Paris, avaient, eux, clairement exprimé leur reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara.

Mélenchon, à l’instar de son camarade de la gauche espagnole, le président du gouvernement et leader du PSOE, Pedro Sanchez, franchira-t-il le Rubicon sur ce dossier si vital pour le Royaume ? De cela dépendra certainement le succès ou l’échec de sa visite dans son pays natal.