Mélenchon va-t-il rompre le soutien de son parti au Front Polisario ?

Attendu au Maroc le 4 octobre prochain, le fondateur de la France Insoumise, natif de Tanger, sera scruté sur le dossier du Sahara. Si les cadres de son parti apportent un soutien clair aux thèses séparatistes du Polisario, osera-t-il, lui, exprimer une position contraire ?

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Jean-Luc Mélenchon posera bientôt ses valises dans le royaume. Le fondateur et leader de la France Insoumise (LFI) arrivera au Maroc le 4 octobre “pour une visite de travail de plusieurs jours”, annonce Le360. Natif de Tanger, Mélenchon a récemment exprimé un soutien appuyé aux populations touchées par le tremblement de terre d’Al Haouz.

Lors de son séjour au Maroc, le fondateur de LFI devrait, selon Le360, se rendre à la Médina de Marrakech, cœur battant de la ville ocre, ébranlée par la secousse tellurique du 8 septembre. L’homme politique français se déplace au Maroc sur invitation “de plusieurs partis politiques et de membres du groupe d’amitié Maroc-France” que préside l’Istiqlalien Mohamed Zidouh.

Il devrait également se réunir avec la direction du PPS et procéder à une série de conférences. Selon nos sources, Mélenchon compte profiter de sa venue au Maroc pour ouvrir un débat autour de l’économie de la mer, sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Il devrait également présenter son nouvel ouvrage Faites mieux, qui vient tout juste de paraître (le 28 septembre) aux éditions Robert Laffont.

Toujours selon Le360, le leader de gauche, qui n’exclut guère de se présenter aux élections présidentielles françaises en 2027 après deux tentatives malheureuses, clôturera son séjour au Maroc par une visite, le 7 octobre, dans sa ville natale Tanger.

Quid du Sahara ?

Si la venue de Jean-Luc Mélenchon a soulevé l’enthousiasme des uns, sa prochaine présence au Maroc n’est pas du goût de tous. En cause, le dossier du Sahara et les positions pro-séparatistes de son parti. La France Insoumise (LFI) apporte en effet un soutien sans équivoque aux thèses séparatistes du Polisario. On se rappelle qu’en 2019, Mathilde Panot, cheffe du groupe parlementaire LFI à l’Assemblée nationale, avait très clairement exprimé via un tweet son “soutien au peuple sahraoui, qui lutte pour son autodétermination.”

Un an plus tôt, le député LFI Loïc Prud’homme avait adressé une question au ministre des affaires étrangères français où il s’inquiétait de “la situation au Sahara Occidental et sur le sort des réfugiés sahraouis”. Enfin, Manon Aubry, élue LFI et co-présidente du groupe confédéral Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) au Parlement européen proposait, le 5 janvier 2023, de remettre le prix Sakharov, récompensant “la liberté d’esprit”, à “une défenseuse des droits humains au Sahara occidental”.

La même Manon Aubry, membre de l’intergroupe Sahara occidental au Parlement européen, a signé en 2019, en tant que leader du groupe GUE/NGL, un accord de partenariat avec le Front Polisario, et ce, lit-on dans le communiqué sanctionnant la signature de l’accord, pour “soutenir la lutte du peuple sahraoui pour sa libération”.

Certes, Mélenchon n’a jamais fait de déclaration tranchée sur le dossier du Sahara, mais il n’a jamais ni repris ni révisé celle de ses camarades de parti, laissant logiquement entendre qu’il s’en porte en soutien. Sur le plateau de France 2, dans les jours qui ont suivi le séisme du 8 mai, il a éludé le débat autour des origines du froid qui souffle entre Rabat et Paris, préférant parler de l’épreuve que vit le pays. “Les Marocains n’ont pas un problème avec la France et les Français, mais avec Macron”, s’était-il contenté de déclarer sur la chaîne du service public français.

Sautera-t-il le pas de la reconnaissance ?

Est-ce l’adversité qu’il entretient avec la Macronie qui ouvre à Mélenchon les portes du Royaume, dans une logique d’alliance objective mâtinée de realpolitik ? À ce titre, beaucoup s’étonnent que ce soit l’Istiqlal qui invite le politique français d’extrême gauche, tant l’incompatibilité idéologique entre le PI et LFI est vaste. “Pourquoi Zidouh, président du groupe d’amitiés Maroc-France, invite-t-il Mélenchon, s’étonne un ancien élu PI. On peut comprendre qu’il discute avec Nabil Benabdellah, leader d’un parti aux racines communistes, mais pourquoi l’Istiqlal ?”

Autre sujet qui interloque le landernau économique : si la logique “l’ennemi de mon ennemi est mon ami” peut s’appliquer à Mélenchon du fait de son opposition radicale à Emmanuel Macron, les personnalités qui accueilleront le parangon de la gauche peuvent-elles fermer les yeux sur la doctrine du “prisme”, clairement énoncée par le roi Mohammed VI dans son discours du 20 août 2022 ? “Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le Royaume établit”, avait souligné le roi.

Jean-Luc Mélenchon pourra-t-il faire l’économie d’une clarification de la position pro-polisario de LFI ? La question se posera fatalement, si ce n’est au cours de ses discussions avec les partis politiques marocains, du moins lors des conférences qu’il tiendra au Maroc. Si la cote de popularité importante dont jouit Mélenchon au Maroc a permis à LFI de décrocher, à travers Karim Bencheikh, la 9e circonscription des Français de l’étranger, les Marocains d’ici comme de France (qui sont autant d’électeurs potentiels de LFI), demeureront très attentifs à ses positions à la fois personnelles et institutionnelles sur la question du Sahara.

Venus en visite au Maroc en mai dernier, le chef du parti de la droite Gauliste Les Républicains Éric Ciotti et Rachida Dati, maire LR du 7e arrondissement de Paris, avaient, eux, clairement exprimé leur reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Mélenchon, à l’instar de son camarade de la gauche espagnole, le président du gouvernement et leader du PSOE, Pedro Sanchez, franchira-t-il le Rubicon sur ce dossier si vital pour le royaume ? De cela dépendra certainement le succès ou l’échec de sa visite dans son pays natal.

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