“Ana Bidaoui” sur 2M : paroles de Casablancais

Le documentaire “Ana Bidaoui”, réalisé par Nour-Eddine Lakhmari et écrit par Rita El Quessar, donne la parole à plusieurs Casablancais, qu’ils soient historiens, membres de la société civile ou simplement amoureux de la ville blanche. Morceaux choisis.

Par

Ana Bidaoui

J’entends, avant de voir, la ville dans laquelle j’ai grandi.” C’est sur cette phrase que s’ouvre le premier épisode du documentaire du réalisateur Noureddine Lakhmari, Ana Bidaoui, écrit par Rita El Quessar.

Découpé en quatre épisodes diffusés sur la deuxième chaîne, le documentaire retrace l’histoire de Casablanca, de la préhistoire à la présence portugaise, des origines de la colline d’Anfa au Protectorat, de l’indépendance à la prise de conscience de la nécessité de préserver le patrimoine casablancais.

Tout au long du film, plusieurs intervenants prennent la parole, et racontent la ville entre faits historiques, observations et attachement personnel.

Amine Boushaba, journaliste : “Casablanca vient du fond de l’histoire. Il y a toujours eu des êtres humains, des personnes, et des communautés dans Casablanca. Et j’ai l’impression que cette énergie a toujours existé dans cette ville, remplie de gens qui ont toujours voulu y construire quelque chose (…) Le premier immeuble que j’ai vu à Casablanca est l’hôtel Volubilis, qui est un chef-d’œuvre art-déco, conçu par Marius Boiler. À l’époque, je n’en savais rien. Je me suis mis à regarder autour de moi dans la ville, et je me suis rendu compte qu’on était dans une ville magnifique, mais dont personne ne parle. On ne nous a jamais dit, ni à l’école, ni ailleurs, que Casablanca avait une richesse patrimoniale exceptionnelle, ou encore qu’elle avait la plus grande concentration d’immeubles art-déco au monde. Ce sont des choses que même ceux qui sont nés dans le centre-ville de Casablanca ne savent pas.” 

Abderrahim Mouhib, archéologue : “Casablanca est le berceau du peuplement humain au Maroc. Elle est à l’origine du peuplement le plus ancien qu’a connu le Maroc.” 

Zhor Rehihil, conservatrice du musée du judaïsme marocain à Casablanca : “À partir des années 1960, on voyait une sorte de liberté dans la ville. La femme marocaine émancipée était à Casablanca, car elle était instruite. Les femmes casablancaises ont pu étudier et sont allées loin.”

Karim Rouissi, architecte : “Une grande partie de Casablanca a été aménagée pour les Européens, et cela se voit encore aujourd’hui dans le territoire. Par exemple, il existe très peu de mosquées dans le centre-ville et celles-ci n’ont été construites qu’après le Protectorat.” 

“Casablanca n’a pas été construite par les colonisateurs, elle s’est imposée aux colons.” 

Mohamed Tozy, sociologue : “Les Habous ont été pensés par les architectes du Protectorat comme un lieu de pouvoir et une mise en scène de ce que Lyautey pensait à l’époque comme ‘la marocanité authentique’ (…) Je suis un gosse de Derb Sultan. Je me suis fait en tant qu’intellectuel d’abord dans les maisons de jeunesse et dans les ciné-club. J’ai été formé dans les cinémas. À l’époque, on pouvait faire de la politique dans les partis qui étaient installés, mais ce n’était pas satisfaisant. Alors, les jeunes faisaient plutôt de la politique clandestine. Et quand on ne pouvait faire ni l’un ni l’autre, on faisait du militantisme dans la culture, et on se plaisait à regarder les films de Eisenstein.” 

Saada Chorfi, amatrice de l’histoire de Casablanca : “Ils ont créé les Habous pour nous mettre de côté. Ils l’ont appelé le quartier indigène. On était des indigènes chez nous… Quand même !”

Abdelkader Retnani, éditeur : “Casablanca est allée au-delà des prévisions urbaines mises en place. Selon le plan de Prost, on n’aurait jamais cru qu’il y aurait des bidonvilles à Casablanca.” 

Maxime Karoutchi, chanteur : “J’avais peut-être dix ans quand je suis parti au cinéma Vox pour la première fois. Je n’avais pas encore vu la nouvelle ville. Je regardais autour de moi en mémorisant les rues, par peur de ne pas savoir rentrer chez moi. Toutes ces émotions, pour aller au centre-ville voir Big Boss de Bruce Lee (…). Casablanca ressemble à la maison du Prophète Abraham. Tout y vient de partout. Ce brassage de cultures permettait d’entendre de la musique de tout genre. Avant qu’elle ne soit connue, j’ai côtoyé Nina Simone à Casablanca pendant près de deux mois et demi.” 

Neila Tazi, présidente de A3 Communications : “En termes d’activités culturelles à Casablanca, il y a eu des lieux, des cinémas qui ont été de grands marqueurs dans ma jeunesse. Et bien sûr, il y a eu le grand théâtre de Casablanca, dont la destruction a été un traumatisme pour tous les Casablancais.” 

Rami Fijjaj, directeur de la Fondation des Arts Vivants : “Pour moi, Casablanca est un art et une culture. La musique de la ville vient de son bruit et (…) les Casablancais sont tous des comédiens.”

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