Blinken insiste pour l’organisation du Forum de Néguev auprès de Bourita. Un début de désaccord entre Rabat et Washington ?

Nasser Bourita s’est entretenu le 14 mai avec son homologue américain, Antony Blinken. Au cœur de la discussion entre les deux diplomates, le Forum de Néguev que le Maroc s’est engagé à organiser avant de reporter l’événement “à plusieurs reprises”. Ce qui a poussé la diplomatie américaine à insister sur l’organisation de cet événement devant permettre le rapprochement d’Israël avec les pays arabes.

Par

Le Forum de Néguev a été au coeur de la récente discussion entre Blinken et Bourita. Crédit: AFP

Un nuage à l’horizon dans la relation Maroc–États-Unis ? La question mérite d’être posée à la suite du récent échange téléphonique entre le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita et le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken. Cet échange entre les deux hommes a fait l’objet d’un communiqué publié le 14 mai par la diplomatie américaine et d’un autre publié par la diplomatie marocaine dans la nuit du 15 mai.

La communication américaine évoque une discussion axée sur l’“invasion illégale de la Russie par l’Ukraine”, mais aussi la “nécessité de parvenir à une solution au conflit syrien”. L’alpha et l’oméga de la diplomatie marocaine, à savoir la question du Sahara, est également évoqué dans ce communiqué publié par le département d’État.

À ce sujet, les États-Unis se contentent d’affirmer “leur plein soutien à l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU Staffan de Mistura dans ses efforts visant à intensifier le processus onusien pour une solution politique durable et digne pour le peuple du Sahara occidental et sa région”. Un langage aux antipodes du soutien à la marocanité du Sahara affiché du temps de l’administration Trump. Mais, étonnamment, l’essentiel de ce communiqué est consacré au conflit israélo-palestinien. Le rôle du Maroc et plus précisément “la voix cruciale du roi Mohammed VI pour faire avancer la paix régionale” sont salués.

Le communiqué évoque également le fait que Nasser Bourita et Antony Blinken “ont discuté de l’importance du Forum de Néguev”. Et c’est sans doute là que réside une divergence entre Rabat et Washington.

Divergence de vues

Organisé au cœur du désert israélien en mars 2022, le Forum de Néguev avait permis de concrétiser davantage le rapprochement entre Israël et trois pays arabes, dont le Maroc, sous la supervision des États-Unis. Les trois pays arabes participants — le Maroc, Bahreïn et l’Égypte — avaient auparavant officialisé leur rapprochement avec Tel-Aviv à travers des accords bilatéraux signés avec l’État hébreu.

Le Maroc se serait engagé à organiser la deuxième édition du Forum de Néguev.

Selon des sources diplomatiques citées par plusieurs de nos confrères — dont le Times of Israel — il a été convenu que le Maroc accueille la deuxième édition de ce forum. Initialement, il aurait dû être organisé en janvier 2023 à Dakhla. Un choix logique puisque la majorité des participants — à l’exception d’Israël — reconnaît la marocanité du Sahara. Mais en ce début d’année 2023, les préparatifs sont toujours en cours et se matérialisent à travers une réunion de deux jours à laquelle prennent part des représentants des six pays à Abu Dhabi, la capitale émiratie.

En février néanmoins, plusieurs de nos confrères font état d’un premier report du sommet. Celui-ci aurait été communiqué à Israël par le Maroc et par les États-Unis. Du côté de Rabat, on explique le délai par des contraintes sécuritaires en raison — notamment — de l’escalade de tensions au Moyen-Orient suite aux attaques menées par les forces israéliennes dans les territoires palestiniens.

Du côté de Washington, le report est attribué à des considérations diplomatiques. La diplomatie américaine craindrait, selon certains de nos confrères, de voir le forum se tenir à Dakhla en raison des positions divergentes de la communauté internationale sur le statut du Sahara.

Renforts en vue

Selon le site Axios, le forum de Néguev aurait fait l’objet de plusieurs reports par le Maroc en raison de sensibilités politiques”. Une référence, sans doute, aux récents échanges entre le Palais et la direction du PJD sur les choix effectués par le Maroc et ses actions dans le cadre de la résolution du conflit israélo-palestinien.

L’organisation et la tenue du Forum de Néguev devraient être discutées lors de la visite de Ronen Levy, directeur général du ministère des Affaires étrangères israélien, à Washington cette semaine.

Le report du Forum de Néguev a été expliqué différemment par Washington et Rabat qui ont pourtant lhabitude dêtre synchrones. Un début de désaccord ?Crédit: AFP

Du côté de l’administration Biden, on attend également la désignation d’une nouvelle personne de référence pour l’encadrement des accords liant Israël et les pays arabes. Yael Lempert, qui occupait jusqu’alors cette fonction et avait participé aux préparatifs du premier sommet de Néguev, vient tout juste d’être nommée ambassadrice en Jordanie. Elle pourrait être remplacée, toujours selon Axios, par l’ancien ambassadeur des États-Unis en Israël entre 2011 et 2017, Dan Shapiro. Ce dernier pourrait donc devenir l’interlocuteur du Maroc dans le cadre de discussions tripartites entre le royaume, les États-Unis et Israël.

N. B. Cet article a été modifié pour prendre en compte la publication d’un communiqué sur l’échange entre Nasser Bourita et Antony Blinken par le ministère marocain des Affaires étrangères dans la nuit du 15 mai, après la publication de cet article.

à lire aussi