Géo-économie : la future zone de libre-échange africaine en 7 questions

Entrée officiellement en vigueur en janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine intrigue. Potentiellement, son entrée en vigueur complète permettrait l’essor du continent. Mais il reste encore beaucoup de tâches à accomplir pour y parvenir.

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Cet article a été réalisé indépendamment de la rédaction par TelQuel Impact.

1. La ZLECAF c’est quoi ?

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) fait partie intégrante de l’Agenda 2063, un plan de réforme initié par l’Union africaine. Suite à l’adhésion de la quasi-totalité des pays du continent – seule exception, l’Erythrée -, la ZLECAF doit couvrir un marché de plus de 1,3 milliard de consommateurs dont le PIB est estimé à 3 400 milliards de dollars.

2. Quel est l’objectif de la ZLECAF ?

Sur le papier, l’objectif de la ZLECAF est de tisser des liens commerciaux entre l’ensemble des pays du continent. En somme, faire en sorte qu’un produit marocain conçu à Tanger puisse être vendu dans un supermarché à Antananarivo avec le moins de barrières possible. Aujourd’hui, les échanges commerciaux intra-africains demeurent faibles et pèsent un peu plus de 15% du commerce sur le continent. A titre indicatif, ce taux dépasse les 60% au sein de l’Union européenne.

3. Quels seraient les bénéfices de la ZLECAF ?

Selon une étude de la Banque Mondiale datant de 2020, une application totale de l’accord relatif à la ZLECAF permettrait d’augmenter les revenus du continent de 450 milliards de dollars à l’horizon 2035.

Une entrée en vigueur complète permettrait aux exportations d’augmenter de 536 milliards de dollars. Ces gains entraîneraient aussi une augmentation des salaires de l’ordre de 10% pour les habitants du continent

Une entrée en vigueur complète permettrait également aux exportations d’augmenter de 536 milliards de dollars, essentiellement dans le secteur manufacturier. Ces gains entraîneraient dans le même temps une augmentation des salaires de l’ordre de 10% pour les habitants du continent et permettraient à 50 millions d’Africains d’échapper à la pauvreté extrême.

Les échanges intra-continentaux pourraient, eux, croître de 109%, tandis que les exportations africaines vers le reste du monde augmenteraient, elles, de 32%. Selon les prévisions de la Banque Mondiale, le Maroc pourrait être l’un des principaux bénéficiaires de l’entrée en vigueur de la ZLECAF, avec une croissance de 8% de ses revenus tirés du commerce extérieur.

4. Où en est le projet ?

Officiellement, le libre-échange prévu par l’accord relatif à la ZLECAF a débuté le 1er janvier 2021, mais il demeure difficile d’en constater une application concrète sur le terrain pour diverses raisons.

5. Donc c’est parti ?

Pas vraiment. Tout d’abord parce que la signature d’un accord ne signifie pas son entrée en vigueur immédiate. Les 53 pays du continent ayant signé l’accord relatif à la ZLECAF ont dû ratifier l’accord avant de déposer l’instrument de ratification auprès de l’Union africaine.

Au Maroc, la ratification des traités à caractère commercial est le fait des deux chambres du parlement et du roi. L’instrument de ratification de la ZLECAF a été déposé auprès de l’Union africaine en avril 2022.

Mais une dizaine de pays manquent encore à l’appel. Parmi eux Madagascar, le Bénin, la Libye ou encore le Soudan.

6. Quels produits sont exemptés des droits de douane ?

Les négociations sur ce front se déroulent en trois phases. La première concerne un accord sur l’échange de biens et services. Un accord a été trouvé mais les négociations se poursuivent sur de nombreux détails. Des négociations sont actuellement menées pour éliminer les taxes douanières sur 90% des biens produits sur le continent. Celles-ci devront se conclure à l’horizon 2026.

D’autres négociations pour 7% des biens produits sur le continent sont, elles, jugées sensibles et s’étendront sur 10 ans. Enfin, les 3% restants ne seront pas exonérés de droits de douane. Les discussions risquent néanmoins de s’étendre au vu de l’intérêt, pour chaque pays, de préserver son économie nationale. La deuxième phase devrait concerner les droits de propriété intellectuelle, l’investissement et la concurrence.

La préparation de cette deuxième phase est en cours. Elle devrait être discutée lors du sommet des chefs d’État de l’Union africaine prévu le ce 25 novembre. La troisième phase des négociations, relative au e-commerce, débutera à la conclusion de la deuxième.

7. Les choses ont-elles vraiment avancé alors ?

Des progrès ont été réalisés: sept pays africains ont pris part, depuis le 7 octobre dernier, à une “initiative sur le commerce guidé”, leur permettant d’échanger librement 96 produits

Des progrès ont été réalisés. En effet, sept pays africains ont pris part, depuis le 7 octobre dernier, à une “initiative sur le commerce guidé”, leur permettant d’échanger librement 96 produits. Il faut également prendre en compte le fait que certains ensembles régionaux ont déjà formé une zone de libre-échange, à l’image de la CEDEAO, et peuvent donc s’intégrer plus facilement à la vision de la ZLECAF.

Pour d’autres ensembles régionaux, moins intégrés, à l’image de l’Union du Maghreb arabe, il faudra trouver des solutions alternatives, comme le renforcement des échanges commerciaux avec des zones économiques régionales déjà bien établies. En somme, il reste encore beaucoup de travail à achever.