Quand Mohammed VI participe aux sommets internationaux

Mohammed VI ne se rendra pas au prochain sommet arabe prévu à Alger au mois de novembre prochain, selon nos informations. Faut-il y voir une volonté de protéger son image ? Sans doute, car la participation du souverain aux événements internationaux rime souvent avec impact. Explication en trois exemples.

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Le roi Mohammed VI au siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, en 2017. Crédit: DR

L’information a agité le landerneau diplomatique du monde arabe. Selon nos confrères de Jeune Afrique, le roi Mohammed VI devrait participer au prochain sommet de la Ligue arabe. Mais ce ne sera pas le cas. Puisque ce sont finalement le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qui se rendront à Alger au début du mois de novembre, selon nos informations. Une présence royale à cet événement aurait eu une dimension particulière, vu l’état actuel de la relation entre le Maroc et l’Algérie.

On retiendra néanmoins que lorsqu’il ne participe pas à un sommet international, le souverain a l’habitude de s’y faire représenter par le chef de gouvernement ou le ministre des Affaires étrangères. Il est également nécessaire de souligner que lorsque le roi participe à un sommet international, il s’y rend dans l’optique de transmettre un message fort ou de parachever une transformation importante pour la politique étrangère marocaine. Retour sur trois épisodes marquants de la politique étrangère sous Mohammed VI.

Novembre 2015 : tourné vers le futur

Le contexte : Quelques mois après la fin d’une crise diplomatique franco-marocaine qui aura duré près de deux ans, Mohammed VI se rend à Paris. L’objectif n’est pas alors de réaffirmer la relance des relations maroco-françaises, bien que cette visite y a sans doute contribué, mais de préparer le Maroc à l’édition suivante de la COP prévue pour novembre 2016 à Marrakech.

Ce qui a été dit : Le discours royal, lu à cette occasion par le prince Moulay Rachid, à la place du roi qui souffrait d’une extinction de voix, a davantage une portée nationale qu’internationale même si à travers son discours, le souverain a voulu ériger le Maroc en référence de la lutte contre le réchauffement climatique. Le discours du souverain annonce même une révolution énergétique marocaine puisque le roi fixe l’objectif de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à l’horizon 2030 à 52 %.

Les conséquences : La politique énergétique du Maroc sera révisée afin de permettre au royaume d’atteindre les objectifs fixés par Mohammed VI. Quelques mois après le discours royal, le Maroc signe les Accords de Paris qui ont notamment pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 32 % d’ici 2030. En novembre 2017, le Maroc accueille la COP 22 qui permettra de confirmer les acquis de la précédente édition.

Avril 2016 : un Conseil de coopération du Golfe pour rassembler les alliés

Le contexte : Quelques semaines avant ce sommet de la Ligue arabe qui s’est tenu à Riyad, la diplomatie marocaine est sur le qui-vive. Le Sud-Coréen Ban Ki-Moon, alors secrétaire général des Nations Unies, a visité les camps de Tindouf et y a fait un véritable faux pas diplomatique en qualifiant la présence marocaine au Sahara d’“occupation”. Dans la foulée, un “draft” de son rapport annuel sur le Sahara ne faisant aucune mention du plan d’autonomie marocain et appelant à un référendum au Sahara est fuité. Les indicateurs ne sont pas au vert pour le Royaume lorsque l’on sait que les relations avec l’administration Obama n’étaient pas au mieux.

Ce qui a été dit : Devant les chefs d’États arabes, Mohammed VI livre un discours à la tonalité offensive. Il accuse le secrétaire général de l’ONU d’être “instrumentalisé pour essayer de porter atteinte aux droits historiques et légitimes du Maroc concernant son Sahara”. Le souverain rappelle également que les pays du Golfe constituent des alliés traditionnels du Royaume à l’image de pays africains “comme le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Gabon”.

Pour fédérer les pays arabes, le souverain dénonce un plan visant à “faire main basse sur les ressources des pays arabes”. Lors de son discours, le souverain introduit le nouveau dogme de la politique étrangère marocaine : la diversification des partenariats.

Les conséquences : Les États-Unis, chargés de la rédaction de la résolution relative à la Mission des Nations Unies au Sahara, produisent un texte plus équilibré que le rapport du secrétaire général de l’ONU. Cette période sera marquée par la diversification des partenariats annoncés par Mohammed VI lors de ce sommet puisque le Maroc entame un rapprochement avec la Russie et la Chine, deux membres du Conseil de sécurité de l’ONU habitués à faire office de contrepoids aux États-Unis.

Février 2017 : à Addis-Abeba, un sommet pour l’Histoire

Le contexte : Au mois de juillet 2016, le Maroc annonce son intention de réintégrer la grande famille de l’Union africaine près de trois décennies après son départ. En amont de l’arrivée de Mohammed VI, le retour du Maroc est loin d’être acquis même si le Royaume peut compter sur le soutien de la majorité des pays du continent et un dossier solidement bâti. L’Algérie et le Polisario font une campagne intense de lobbying pour tenter de barrer la route au Maroc sous prétexte que le Royaume pratique une “politique coloniale” dans le sud du pays.

Ce qui a été dit et fait sur place : À la veille du débat autour du retour du Maroc au sein de l’Union africaine, le Royaume organise une grande réception à Addis-Abeba où sont conviés 47 chefs d’États africains. Dans une ambiance détendue, le souverain échange avec les convives et défend la candidature marocaine. Il échangera également longuement avec Alpha Condé, alors président de la Guinée. Ce dernier jouera un rôle décisif dans les débats autour de l’adhésion marocaine au point que le roi Mohammed VI, juste avant de prononcer un discours, glissera un “merci infiniment” à l’ancien homme fort de Conakry.

La présence du souverain à Addis-Abeba poussera également les autorités éthiopiennes à se mobiliser pour accréditer la délégation marocaine au sommet de l’Union africaine alors que le Royaume n’est toujours pas membre de l’Union africaine. Enfin, Addis-Abeba est surtout le théâtre d’un discours historique prononcé par Mohammed VI. Le souverain y annonce l’intention du Royaume de ne plus pratiquer la politique de la chaise vide au sein des instances panafricaines, à travers un très sobre “vous m’avez tous manqués”.

Les conséquences : Le Maroc effectue son retour au sein de l’Union africaine par la grande porte et se hisse en l’espace de quelques mois au rang des principaux pays contributeurs de l’organisation panafricaine. Un an après le discours prononcé par Mohammed VI, le Royaume intègre le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, organe pivot et décisionnel de l’instance. Le retour du Royaume marque aussi la fin du discours à sens unique, et pro-Polisario, de l’UA sur le dossier du Sahara. On notera également que le Royaume reste à ce jour le seul pays à disposer d’une ambassade en Éthiopie ainsi que d’une mission permanente auprès de l’Union africaine à Addis-Abeba. Un témoignage de l’importance que revêt le continent aux yeux de la diplomatie qui est, pour rappel, guidée par le souverain.