Nabil Benabdallah, un homme en colère contre le gouvernement

“Il est d’une faiblesse criante”. “Il n’a pas la question sociale dans ses gènes”. “Le conflit d’intérêt est une tare congénitale qu’il doit régler d’urgence”. Dans une longue interview accordée à TelQuel, Nabil Benabdallah, le SG du PPS, dans l'opposition, répond à nos questions sur le gouvernement et n'hésite pas "à appeler un chat un chat”.

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Les visages en disent souvent bien plus que les messages. Alors, quand Nabil Benabdallah a reçu l’invitation de Aziz Akhannouch, fraîchement nommé Chef de gouvernement, dans le cadre de la formation du nouvel Exécutif, le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS) a esquissé un sourire.

Un sourire un peu narquois compte tenu de la relation tendue entre les deux hommes lors de la campagne électorale, sourire qu’il a dissimulé derrière son masque – Covid-19 oblige – lorsqu’il s’est rendu au siège du RNI le 15 septembre dernier.

Au terme de cette rencontre avec le patron du parti de la colombe, un point de presse est organisé. “J’ai rencontré ce matin Ssi Aziz Akhannouch à sa demande. Après lui avoir présenté mes félicitations pour la confiance royale placée en lui, j’ai souhaité plein succès au gouvernement qu’il va former”, déclare-t-il face aux médias.

Comprendre : le PPS ne participera pas au gouvernement de Aziz Akhannouch. Le faux suspense n’aura pas d’ailleurs duré longtemps. Quelques minutes après l’entrevue, l’ancien ministre de la Communication tient à préciser la décision de son parti sur sa page Facebook. “Comme c’était attendu, la question de notre participation au gouvernement n’a pas été abordée, et cela ni de sa part en tant que président du RNI, ni de ma part en tant que secrétaire général du PPS”.

Le parti du livre reste donc dans l’opposition, qu’il avait décidé de rejoindre en 2019 en quittant le gouvernement d’El Othmani. Cette position lui a permis, lors du dernier scrutin, d’améliorer son score : 22 sièges à la Chambre des représentants, contre seulement 12 sièges en 2016. S’il n’est pas le plus grand parti numériquement, il incarne résolument la voie la plus audible de l’opposition face à la majorité écrasante à la chambre basse.

Propositions de loi, questions écrites et orales, communiqués du bureau politique… les camarades de Nabil Benabdallah ne lésinent pas sur les moyens pour interpeller le gouvernement sur l’obligation du pass vaccinal, le pouvoir d’achat des citoyens ou encore les soupçons de conflit d’intérêt qui planent sur le dossier des hydrocarbures…

“Les prix de l’essence dépassent les 15 dirhams le litre. Vu que je finance moi-même mes déplacements dans le cadre des activités du parti, je peux vous dire que je sens le plein d’essence passer !”

Nabil Benabdallah

Fort de cette aura, la formation compte s’ouvrir davantage sur son entourage, dans l’objectif de constituer “une véritable alternative de gauche”. Cela passe d’abord par le XIe congrès du parti, prévu avant la fin de l’année. Pour ce faire, Nabil Benabdallah sillonne le Maroc en voiture, à la rencontre des militants du parti. Un long périple qui intervient au moment où les prix des carburants flambent au Maroc, comme ailleurs, en conséquence de la guerre russo-ukrainienne.

Alors, en acceptant de nous recevoir à Rabat entre deux escales, une question s’impose : “Il est à combien le plein d’essence, Ssi Nabil ?”. Réponse de l’ancien ministre : “Les prix dépassent les 15 dirhams le litre. Vu que je finance moi-même mes déplacements dans le cadre des activités du parti, je peux vous dire que je sens le plein d’essence passer !

Dans cet immeuble situé à Hay Riad où il nous reçoit, seuls le logo de la formation sur la porte d’entrée et les photos des anciens secrétaires généraux qui ornent les murs rappellent que le lieu abrite le siège d’un parti politique. “Le monde a changé”, réagit-il. À tout jamais ? “Il y a un peu partout dans le pays des émergences et des compétences qui ne demandent qu’à être fédérées”, nuance-t-il. Encore faut-il trouver un fédérateur…

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