Âgé de 75 ans, Jacques Bouthier a été mis en examen à l’issue d’une enquête préliminaire ouverte mi-mars, avec cinq autres personnes, pour “des chefs de traite des êtres humains à l’égard de mineur et tentative de viols sur mineure de plus de 15 ans, recours à la prostitution d’un mineur” et “agressions sexuelles sur mineure de moins de 15 ans”.
Séquestrations et viols
Une source proche du dossier, citée par la radio RTL, a affirmé qu’une jeune femme de 22 ans, d’origine marocaine, s’était présentée à la police parisienne au mois de mars dernier afin de porter plainte contre “l’homme richissime qui la violait” et dont elle était “captive depuis cinq ans”.
Une fois devenue “trop âgée pour lui”, elle aurait été forcée de trouver une “remplaçante”. La plaignante a ainsi indiqué qu’une jeune fille de 14 ans avait pris sa place dans l’appartement où elle était captive, preuve vidéo à l’appui, montrant le chef d’entreprise et l’adolescente dans un lit.
S’étant rendu compte qu’il avait été filmé et que la vidéo pouvait lui causer du tort, le PDG est aujourd’hui soupçonné d’avoir recruté une équipe pour enlever la femme, saisir la vidéo puis forcer la victime à quitter le territoire français pour rentrer au Maroc.
Bouthier aurait donc sollicité sa femme pour cette mission ainsi que trois personnes, “dont deux de son entourage professionnel et un ancien du GIGN”, a précisé à l’AFP une source proche du dossier.
Une autre femme a également été mise en examen pour proxénétisme “car elle a eu un rôle d’intermédiaire rémunéré entre la jeune fille et le PDG”, indique la même source.
Pour l’heure, l’enquête préliminaire ouverte mi-mars a ainsi permis la mise en examen ainsi que l’emprisonnement de six personnes, dont le patron.
Des victimes à Tanger
En 2017, Nour* n’avait que 20 ans et elle venait de décrocher un poste dans une des agences d’Assu 2000 à Tanger. Dans un témoignage rendu public ce vendredi 27 mai par BFM TV, la victime présumée dénonce tout un système dans lequel certains responsables joueraient les rabatteurs, “lui faisant comprendre qu’elle est clairement du style de Jacques Bouthier”.
“Nom du ciel, quelle beauté, quelle belle poitrine”, aurait dit le patron, sans gêne et devant tout le monde. La jeune femme revient également sur un gala organisé en 2018, durant lequel l’accusé lui aurait une nouvelle fois fait des avances, évoquant des recoins au consulat de France où ils pourraient “se cacher”.
La jeune femme tentera par la suite d’obtenir des explications directement auprès du PDG, mais ce dernier ne veut rien entendre et poursuit le harcèlement envers son employée, lui proposant de “coucher avec lui” lorsqu’il viendrait à Tanger. Essuyant de nouveaux refus, les avances du patron deviennent de plus en plus crues. La jeune femme finira par recevoir un message de l’agresseur : “Espèce de s*****, tu vas dégager.” C’était la veille de son licenciement.
Nour a également partagé un extrait de ses conversations avec l’ancien PDG, témoignant de menaces claires : “Si tu persistes à vouloir nous emmerder, tu vas nous mettre dans l’obligation de te donner une bonne leçon.”
Depuis la mise en examen de Bouthier, la jeune femme aurait également décidé de porter plainte contre lui, en France, pour harcèlement.
Drague, harcèlement, attouchements… un système bien rodé
Les informations rapportées par BFM TV évoquent également les témoignages d’une ancienne manager au sein des équipes du groupe d’assurances au Maroc entre 2011 et 2016, racontant qu’une dizaine de femmes lui auraient témoigné de propositions indécentes ainsi que d’attouchements, ce qui aurait poussé l’ancienne manager à mettre en place une stratégie d’évitement afin de protéger ses collaboratrices.
“Jacques Bouthier y allait (au Maroc) avec un objectif : voir les nouvelles recrues pour savoir si elles étaient à son goût”
“Jacques Bouthier y allait (au Maroc) avec un objectif : voir les nouvelles recrues pour savoir si elles étaient à son goût (…) avec une espèce de règle : soit tu couches avec moi, soit tu es virée”, explique-t-elle.
L’ancien PDG ne se contentait pas seulement des visites au sein de ses locaux, mais organisait également, et de façon régulière, des teambuildings ainsi que des séminaires, toujours au Maroc, où ses propositions devenaient nettement plus directes, n’hésitant pas à inviter les jeunes femmes à le rejoindre directement dans sa chambre en fin de soirée.
La direction de la communication de l’assureur Generali, dont certains produits sont distribués par Assu 2000, s’est dite “sous le choc des informations” découvertes dans la presse. “Évidemment extrêmement attentif aux développements de l’affaire”, Generali a d’ailleurs demandé au groupe Vilavi (nouveau nom de Assu 2000) “quelles dispositions étaient prises dans ce contexte”. Depuis, suite aux sollicitations de l’AFP, le groupe Vilavi a indiqué qu’il ne ferait “pas d’autres communications pour l’instant”.
(avec AFP)