Relancer un projet que l’on croyait mort. C’était sans doute l’objectif de l’appel téléphonique entre le ministre algérien de l’Énergie, Mohamed Arkab, et son homologue nigérian Timipre Sylva tenu le 8 mars.
Les discussions entre les deux hommes ont porté sur l’ancien projet de gazoduc transsaharien devant permettre d’acheminer du gaz naturel nigérian vers l’Algérie. Tenues en présence du président de la Sonatrach, le géant étatique du pétrole algérien, ces discussions ont également été l’occasion de discuter les possibilités d’acheminement de gaz vers l’Europe.
Pour l’heure, l’Algérie exporte du gaz vers l’Europe via trois gazoducs, à savoir (Enrico Mattei), qui relie l’Algérie et l’Italie via la Tunisie, et Pedro Duran Farrell, qui relie l’Algérie et l’Espagne via le Maroc, et qui est désormais suspendu en raison de la rupture des relations et (Medgaz), qui transporte du gaz directement du port de Beni Saf dans l’Ouest algérien au port espagnol d’Almeria par voie maritime.
Les discussions entre les ministres algérien et nigérian de l’Énergie interviennent quelques jours seulement après l’officialisation de l’inversion du flux du gazoduc Maghreb-Européen (GME) en vue de permettre à l’Espagne d’acheminer du gaz vers le Maroc. Un accord entre Rabat et Madrid qui intervient donc suite à la décision de l’Algérie de ne pas renouveler le contrat du GME.
Le projet de gazoduc transsaharien reliant l’Algérie au Nigéria — via le Niger — a pour la première fois été officialisé en 2002 à travers un mémorandum d’entente signé entre les deux compagnies pétrolières nationales la NNPC, côté nigérian, et la Sonatrach, côté algérien. En 2009, ce projet avait fait l’objet d’un accord intergouvernemental qui n’a toutefois pas été ratifié par le Nigéria.
Ce projet algéro-nigérian pourrait être considéré comme un concurrent direct du projet de gazoduc entre le Maroc et le Nigéria. Mais pour une source diplomatique interrogée précédemment par TelQuel sur le projet initié par le voisin de l’Est, ce dernier ne bénéficie pas de la même estime et de la même attention que le pipeline maroco-nigérian.
“Les différences entre le gazoduc atlantique et transsaharien existent à trois niveaux”, affirmait notre source avant de dérouler : “Premièrement, le gazoduc transatlantique fait l’objet de discussions entre les deux chefs d’État. Les confirmations, les précisions et les engagements se font à leur niveau et non pas au niveau d’une commission mixte. Deuxièmement, le gazoduc transatlantique a dépassé l’étape de l’annonce ce qui n’est pas le cas avec le transsaharien. Quand le président Muhammadu Buhari s’est rendu au Maroc, des études ont été présentées, le tracé a été acté (mix onshore-offshore, ndlr). Ce projet va au-delà de l’annonce diplomatique et en est actuellement dans sa phase de travail technique. Troisièmement, il s’agit d’un projet institutionnalisé impliquant les responsables de l’énergie, les fonds souverains, le secteur privé et la gouvernance locale.”
En décembre 2020, la CEDEAO avait recommandé la poursuite des discussions entre l’organisation économique régionale et les promoteurs du projet maroco-nigérian. Celles-ci devraient aboutir à la conclusion d’un accord qui, selon nos informations, serait signé par le Maroc et le Nigéria d’un côté et la CEDEAO de l’autre sachant que le projet de gazoduc initié par Rabat et Abuja devrait longer 11 des 15 pays du groupement régional tout en approvisionnant l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest.
En fin d’année 2021, la Banque islamique de développement initiait un appel à manifestation d’intérêts pour l’audit financier des études d’avant-projet du projet de construction du gazoduc Maroc-Nigéria selon nos confrères de l’Économiste.