Coupe d’Afrique des Nations: Sept anecdotes inédites au sujet du sacre des Lions de l’Atlas en 1976

CAN ya makan... le Maroc champion d’Afrique. Un titre orphelin, un sacre unique sur le plan continental, mais un souvenir inoubliable. C’était en Éthiopie en 1976. Remember.

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La Coupe d’Afrique des Nations de 1976 s’est distinguée comme étant la première édition durant laquelle l’ensemble des participants avait déjà pris part, au moins, à une précédente compétition continentale. C’est donc une dixième édition relevée, entre les huit équipes expérimentées ayant pris part à cette compétition, organisée pour la troisième fois en Ethiopie. Le Maroc qui en était à sa deuxième participation s’en sort avec deux victoires contre le Zaïre (1-0) et le Nigéria (3-1) en plus d’un nul contre le Soudan (2-2), au premier tour. Au groupe final (ça se passait ainsi à l’époque), il réitère l’exploit en battant encore une fois le Nigéria (2-1), mais aussi l’Egypte (2-1) ; et enfin, en décrochant un précieux match nul contre la Guinée (1-1) qui lui vaut le sacre ce 14 mars 1976 au stade d’Addis–Abeba.

Retour sur le parcours glorieux des Lions de l’Atlas en sept récits peu connus de l’histoire du football marocain, que les moins de 40 ans ne peuvent (peut-être) pas connaître…

Sélectionneur galonné droit dans ses bottes

Gheorghe Mărdărescu était, certes, entraîneur de l’équipe nationale à l’époque. Mais le Roumain devait juste mettre en jambes des joueurs sélectionnés par un autre personnage influent du football marocain. Il s’agit du Colonel Mehdi Belmajdoub, alors secrétaire général de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) qui était aussi sélectionneur. Sa connaissance des difficultés des rencontres avec les équipes du continent l’incite à choisir des joueurs plus physiques que techniques. Droit dans ses bottes, le galonné des Forces Armées Royales, accessoirement légende de l’équipe militaire (FAR), a fait preuve d’une impartialité exemplaire : aucun joueur de son équipe de cœur n’a été embarqué dans cette épopée africaine. Ce sont les cadres de l’équipe du Moghreb de Fès (MAS) et du Chabab de Mohammedia qui ont constitué l’ossature de la sélection, avec quatre joueurs pour chacune des équipes. 

 

Limonade pour les cadres

C’était lors d’un dîner à l’issue d’une soirée de match de premier tour. Abdelmajid Dolmy, avec son duvet de remplaçant de 23 ans à l’époque, se dirige vers le buffet pour se faire servir un soda. «Non ! C’est réservé aux cadres», lui rétorque un membre du staff. Trois joueurs de l’équipe nationale étaient en fait autorisés à prendre ce banal breuvage. Pour des considérations de régime alimentaire ? Ça n’existait pas à une époque où on pouvait se permettre de tirer sur une clope en pleine mi-temps. Pour des raisons budgétaires ? Peut-être : le football marocain n’avait pas les moyens dont il dispose aujourd’hui : même la concentration du onze national avait été prise en charge, à l’époque, par l’Arabie Saoudite. En tout cas, cette discrimination entre joueurs n’a pas été du goût de Dolmy qui avait fini par avoir sa limonade. Il en est arrivé à exiger son passeport afin de pouvoir quitter le camp de l’équipe nationale, comme il le raconte dans sa biographie. Signe avant-coureur du joueur de caractère que deviendra celui que les fans de foot surnomment le Maestro…

 

Miraculés du ciel

Après la qualification au tour final, l’équipe nationale devait quitter la ville de Dir Dawa où elle avait disputé ses trois premiers matchs. Destination : la capitale Addis-Abeba à 450 kilomètres à l’est. Mais ce qui devait être un vol domestique d’une heure a tourné au cauchemar. Quelques minutes après le décollage, un des réacteurs de l’avion prend feu. Panique à bord et retour en catastrophe à l’aéroport d’origine où la vieille carlingue de l’armée de l’air éthiopienne fait un atterrissage forcé. Les joueurs, qui ont longtemps prié pour avoir la vie sauve, avaient même refusé, dans un premier temps, l’invitation du commandant de bord de reprendre l’avion.

Le onze de départ pour ce match décisif qui décidera du sacre

Baba, le but salvateur

C’est un match de poule, mais c’est aussi un match de finale (ça se passait ainsi à l’époque). Le Maroc peut se contenter d’un nul pour garantir le sacre, sauf qu’il est mené au score depuis la 33ème minute. Un but inscrit par Chérif Souleiman, une des stars de l’équipe guinéenne lauréat du ballon d’or africain en 1972. Les coéquipiers de Petit Sory sont alors les heureux vainqueurs de la Coupe jusqu’à la 86ème minute quand Ahmed Makrouh, dit Baba, décoche un tir en dehors de la surface qui finit dans les filets… en pleine lucarne. Le seul but de la compétition de ce Jdidi fut le plus décisif. Mais le match n’est pas encore terminé…

Les lions ont dû subir les assauts de l’équipe guinéenne, avant que Baba ne marque le but salvateur

 

El Hezzaz y laisse un doigt 

C’était à la fin du temps réglementaire de ce match décisif. Un attaquant guinéen lance un boulet de canon vers le cadre de Hamid El Hezzaz. Le keeper des Lions s’étire le long de son 1,84m pour dévier le ballon du bout des gants. C’était en fait du bout du mineur de sa main droite qui est resté crochue… à jamais. Ce qui n’a pas empêché la légende du Maghreb de Fès de défendre, pour de longues années encore, les cages de son équipe ainsi que celles du onze national. 

 

Faras, le capitaine, sur le banc

Blessé quelque temps avant le début de la compétition, le patron de l’équipe nationale était resté cloué pendant les deux premiers matchs des Lions sur le banc de touche. Mais en remettant ses crampons, il enchaîne trois rencontres d’anthologie où il ouvre systématiquement le score pour haranguer ses coéquipiers. Avec ses trois buts au compteur, il termine cette CAN 1976 en tant que deuxième meilleur buteur de la compétition. Mais c’est surtout lui qui soulève le trophée de cette édition en tant que capitaine des champions en titre. Un sacre qui lui a valu légitimement le ballon d’or africain de l’année, le premier de l’histoire pour un joueur marocain. Après cette édition de la CAN, Ahmed Faras est même convoité par le Real Madrid. C’est d’ailleurs un certain Santiago Bernabeu qui avait fait le déplacement jusqu’à Mohammedia pour tenter de convaincre le président Mohamed Aït Menna, président spirituel du Chabab. Faras décline cette offre car il a refusé de s’éloigner de sa famille, de sa ville.

 

Le trophée soulevé par Ahmed Faras représente la seule et unique consécration de l’équipe nationale sur le plan continental. Un exploit que tous les Marocains espèrent revoir.

 

Une prime de 10.000 dirhams

De retour au Maroc, les joueurs de la sélection nationale sont bien évidemment accueillis en héros. Une cérémonie est alors organisée en leur honneur sur l’esplanade de l’actuelle Wilaya de Casablanca, en présence de Son Altesse Royale, le prince Sidi Mohamed, alors prince héritier. La prime de consécration attribuée aux joueurs s’élevait alors à 10.000 dirhams. Dérisoire en comparaison avec les moyens actuels du football marocain. Il n’empêche que c’était une petite fortune à une époque où la monnaie nationale valait plus que le franc français… et surtout à une époque où le foot business n’en était qu’à ses balbutiements.