Fidèle à son sang froid presque narquois, Khalid Aït Taleb s’est contenté de réponses vagues aux interrogations des députés, brandissant tantôt l’argument du poids des faiblesses héritées du passé, tantôt la promesse d’une amélioration progressive de l’offre de soins.
D’après le ministre, le Maroc a tiré des leçons de la pandémie de coronavirus, qui a éclaté il y a bientôt deux ans. “En cas de revers épidémique, le système de santé est prêt pour faire face au nouveau variant, que ce soit en termes de capacité hospitalière, de réanimation, ou de matériel nécessaire”, a-t-il assuré, avant d’ajouter qu’“il faut s’armer de patience pour percevoir le changement”.
“Il faut s’armer de patience pour percevoir le changement”
Dans ce sens, Aït Taleb s’est targué de l’augmentation de la capacité hospitalière générale observée durant son mandat : le nombre de lits dans les établissements hospitaliers est passé de 22.000 à 28.000, tandis que le nombre de lits de réanimation est passé de 684 à 5240.
Pour faire face à la vague de contaminations au Covid-19 induite par l’apparition du variant Omicron, “dont nous ne connaissons pas les effets à moyen terme”, a-t-il avoué, Aït Taleb a appelé à maintenir “un haut niveau de vigilance” et à suivre “de près” la situation épidémiologique en Europe ainsi que dans le reste du monde, car pour lui, “le Maroc n’est pas à l’abri d’un nouveau revers au vu de l’émergence d’une cinquième vague en Europe”.
Le message est simple : il faut accélérer l’inoculation des troisièmes doses de vaccin anti-Covid, dont le taux de protection contre le nouveau variant s’élève, à l’en croire, à 75 %.
Des réponses peu convaincantes
Interrogé par plusieurs députés sur les réalisations de son ministère pour limiter l’hémorragie de ressources humaines dont souffre le système de santé, particulièrement en dehors des grands centres urbains, Aït Taleb s’est contenté de répéter qu’avec le projet de généralisation de la couverture sociale, le système de santé était appelé à se régionaliser.
“L’offre sanitaire ne peut être améliorée qu’à travers une carte sanitaire régionale. On peut passer notre temps à citer les carences en ressources humaines dans toutes les régions. Il y a un problème d’attractivité du secteur ou de la région en question”, a-t-il reconnu, avant de promettre que “la législation en préparation va séduire les médecins pour qu’ils rejoignent et restent dans la fonction publique”.
Selon le ministre, “nous avons un manque de 97.000 médecins”. Cela correspond à “25 ans de retard, alors que nous formons au maximum 1200 médecins par an”. À l’avenir, Aït Taleb estime que “chaque région devra former ses propres ressources en fonction de ses besoins”, sans pour autant donner d’indications sur la feuille de route que son ministère compte suivre pour accompagner les régions (voir encadré en bas de page).
Infirmiers en PLS
Aït Taleb a également été questionné sur le dossier des infirmiers. Près de 4000 infirmiers formés par l’État sur deux ans n’ont pas été régularisés. Leur salaire est d’ailleurs inférieur à celui de leurs pairs qui ont suivi des formations de trois ans. Un écart qui pose un problème de justice salariale.
Pour y remédier, le ministre a proposé que les infirmiers de l’échelle 9 soient promus à l’échelle 10. Les fonctionnaires des échelles 10 et 11, eux, ne seront pas promus, mais percevront une bonification sur trois ans avec effet rétroactif jusqu’à 2017. “C’est tout ce qu’on peut leur offrir”, a précisé Khalid Aït Taleb.
Une réponse qui risque de déplaire aux syndicats d’infirmiers, qui dénoncent “l’indifférence” du gouvernement vis-à-vis de leur profession, notamment lors de la préparation du nouveau statut de la Fonction publique de santé.
Ce que préconise la CSMD
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Maroc devra accroître ses ressources de 2,5 fois en 10 ans pour répondre à ses besoins. La Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) a proposé, dans son rapport, plusieurs leviers pour “se rapprocher de cet objectif” :
• La refonte du système de formation des médecins à travers une réduction de la durée de la formation généraliste de 7 à 5 ans (en déplaçant certains enseignements de la formation généraliste vers les voies de formation de spécialistes) ;
• Une accélération de la formation de “médecins de famille” (spécialité en 2 ans après la formation généraliste),
• L’augmentation du nombre de places ouvertes aux concours d’entrée dans les facultés de médecine existantes ;
• La mise à profit des universités privées dans l’accélération de la formation de médecins ;
• L’augmentation de la capacité publique de formation dans les différentes régions à travers le déploiement de nouveaux CHU et facultés de médecine ;
• La formation de professeurs en médecine en nombre suffisant ;
• L’augmentation des postes budgétaires destinés au recrutement de médecins qui seront affectés dès l’ouverture à des régions spécifiques.