Meurtre de Khashoggi : RSF dénonce “l'influence politique sur la justice” turque

A la veille d'une nouvelle audience mardi du procès par contumace de 26 accusés saoudiens pour le meurtre de Jamal Khashoggi, à Istanbul en octobre 2018, l'organisation Reporters sans Frontière (RSF) s'interroge sur “l'influence politique sur la justice turque”.

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Jamal Khashoggi en 2014, alors directeur général d'AlarabTV. Crédit: Mohammed Al-Shaikh/AFP

Dans un communiqué publié lundi, l’organisation de défense de la presse demande aux autorités turques de « prendre des mesures immédiates pour amener devant la justice » les personnes impliquées dans ce meurtre, « qu’elles soient les commanditaires, les instigateurs ou les exécutants ».

Pour la cinquième audience devant un tribunal stambouliote du procès pour meurtre de l’éditorialiste saoudien, le box des accusés restera une nouvelle fois vide.

« Les 26 accusés par contumace impliqués dans cette affaire, qui a débuté le 3 juillet 2020, sont tous des citoyens saoudiens » rappelle RSF, dont aucun ne s’est jamais présenté.

Lors des dernières audiences, la cour a en outre refusé d’accepter, en tant que preuve, le rapport des services de renseignement américain sur ce crime comme le lui demandait la fiancée turque de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz.

Selon ce rapport, dont Joe Biden a ordonné la publication au printemps, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) a « validé » l’assassinat du journaliste. Mais chaque fois, « le juge a déclaré que le rapport ‘n’apporterait rien au dossier' », rappelle lundi RSF.

Depuis l’ouverture du procès en juillet 2020, plusieurs témoins ont été entendus, dont trois employés turcs du consulat d’Arabie saoudite où Jamal Kashoggi a été assassiné, alors qu’il venait chercher des papiers nécessaires à son prochain mariage.

Mais le fait que « l’accusation et la cour n’ont toujours pas examiné les liens qui pouvaient exister entre ce meurtre et (MBS) ne laisse pas d’inquiéter », insiste RSF, qui se demande si la justice turque sera « capable de rendre justice en dehors de toute influence politique ».

L’organisation évoque par ailleurs la prochaine audience, mercredi à Ankara, consacrée au meurtre de l’éditorialiste du journal kurde Özgür Gündem, Musa Anter, en septembre 1992, alors qu’il ne reste qu’un an, 29 ans après les faits, avant qu’ils ne soient prescrits.

« Bien que l’Etat turc ait reconnu son implication dans le meurtre de Musa Anter et présenté ses excuses en 1998, justice ne sera probablement jamais rendue », regrette RSF qui dénonce « l’influence politique exercée sur le processus judiciaire en Turquie », pays dans lequel « près de 40 journalistes ont été tués ou ont disparu depuis les années 1990 ».

« L’impunité pour les crimes contre des journalistes demeure un problème », plaçant la Turquie au 153e rang sur 180 pays du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.