Tunisie : un an de prison pour un député à l’origine du #Metoo tunisien

Un député tunisien, accusé d’avoir harcelé sexuellement une étudiante et dont les agissements avaient déclenché un #Metoo tunisien sur les réseaux sociaux, a été condamné ce 12 novembre à un an de prison ferme, selon l’avocate de la victime.

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Des Tunisiennes, membres de l'"EnaZeda" ("moi aussi" en dialecte tunisien et inspiré du mouvement #Metoo) brandissent des slogans et un drapeau arc-en-ciel lors d'un rassemblement contre le harcèlement sexuel, à Tunis, le 30 novembre 2019. Crédit: Fethi Belaid / AFP

Zouhair Makhlouf, un député indépendant, avait été photographié en octobre 2019 à Nabeul, dans le centre-est de la Tunisie, en train de se masturber dans sa voiture, par une lycéenne qui l’a accusé de harcèlement. D’après l’élève qui avait publié les photos sur les réseaux sociaux, il l’avait suivie sur le chemin de son lycée.

Le député, que les images montraient arborant un T-shirt de son parti de l’époque, Qalb Tounès, le pantalon baissé et le regard tourné vers la jeune fille, avait assuré qu’étant diabétique, il avait dû uriner en urgence dans une bouteille.

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Le tribunal de Nabeul, devant lequel il était jugé, l’a condamné à un de prison ferme pour “harcèlement sexuel” et “outrage public à la pudeur” et émis un mandat de dépôt à son encontre, a indiqué à l’AFP Naïma Chabbouh, l’avocate de la jeune fille.

Du virtuel à la rue

La diffusion virale des images de l’incident avait déclenché une vague inédite de témoignages de victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #EnaZeda, “moi aussi”, en référence au mouvement #Metoo déclenché aux États-Unis en 2017 par l’affaire Harvey Weinstein.

Un mois après l’ouverture d’une enquête à la mi-octobre 2019, des dizaines de Tunisiennes avaient manifesté à Tunis pour protester contre la présence du député Makhlouf à la première session du parlement fraîchement élu.

Au début du procès à Nabeul, plusieurs dizaines de femmes avaient manifesté sous les slogans “Mon corps n’est pas un espace public” et “Non à l’exhibitionnisme devant les élèves”.

En octobre 2020, des ONG tunisiennes avaient envoyé une lettre au Conseil supérieur des magistrats pour s’inquiéter de “nombreuses violations procédurales inhabituelles”, destinées selon elles à protéger le parlementaire des poursuites. Elles avaient notamment souligné que la durée de l’instruction avait largement dépassé les neuf mois, “alors que dans cette affaire, des preuves solides ont été fournies”.

Au début du procès à Nabeul le 1er novembre, plusieurs dizaines de femmes avaient manifesté sous les slogans “Mon corps n’est pas un espace public” et “Non à l’exhibitionnisme devant les élèves”.

La Tunisie est considérée comme une pionnière des droits des femmes dans le monde arabe et musulman. Mais rares sont les victimes à porter plainte alors que les agressions sexuelles sont punies par la loi et que, depuis juillet 2017, le harcèlement sexuel dans les lieux publics est passible d’un an de prison.