C’était la première action du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (M.A.L.I.), en 2009.
Nous avions lancé, avec la journaliste Zineb El Rhazoui, un appel sur Facebook. À l’époque – aujourd’hui encore -, la désobéissance civile, qui consiste en des actions-chocs pour provoquer le débat, était mal comprise.
L’idée de ce pique-nique pendant ramadan, c’était pour dénoncer l’article 222 (“Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams”, ndlr).
Une action purement symbolique :il ne s’agissait aucunement de manger sous le nez des passants en plein ramadan. D’ailleurs, l’action n’avait pas eu lieu puisque nous avons été virés de Mohammedia par le maire lui-même. La ville était quadrillée : policiers à moto, à cheval, barrages… tout un arsenal pour six personnes qui voulaient pique-niquer dans une forêt.
Le quotidien espagnol El Mundo avait titré “Plus de 100 agents contre 10 sandwichs”, un bon résumé (rires). L’action n’avait attiré que quelques journalistes espagnols, TelQuel et le Journal Hebdo. Les autres nous ont descendus plus tard, la palme revenant à Al Massae qui avait piraté ma boîte mail et étalé son contenu en Une. Quant aux associations, seules l’AMDH et Bayt Al Hikma s’étaient prononcées.
Heureusement qu’une certaine presse osait parler de ces sujets sensibles. On a ainsi pu voir le soutien franc et sans demi-mesure de TelQuel. Il y a eu un premier article, et la semaine suivante, la couv’. C’était très audacieux, mais pas étonnant : TelQuel a toujours été avant-gardiste, progressiste, libre. Un média qui n’a pas peur de bousculer pour provoquer la réflexion. En revanche, le bandeau sur les yeux, ce n’était pas utile :on ne s’est jamais cachées (rires) !
Cette couv’ a participé à ouvrir le débat sur ce sujet de la liberté de conscience et de la laïcité, et aujourd’hui, une partie de la société civile demande l’abrogation de cet article liberticide, ce qui est déjà une victoire.