Écoles privées : vingt ans de largesses jugées par le Conseil de la concurrence

Dans son avis rendu le 8 novembre, l’instance présidée par Ahmed Rahhou revient sur un secteur peu régulé, caractérisé par d’importants écarts entre “la tarification et les services rendus”.

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AFP PHOTO / BULENT KILIC

Une régulation en question

Des écoles privées en dehors de tout contrôle ? C’est peu ou prou l’une des conclusions du gendarme de la concurrence après avoir mené une enquête sur le secteur à la suite d’une saisine de la présidence de la Chambre des représentants, en juillet 2020.

Ayant interrogé les premiers concernés, mais aussi les parents d’élèves ou le corps enseignant, le Conseil relève que les établissements “opèrent en absence presque totale du contrôle de leurs performances ou de sanctions appliquées à lencontre des contrevenants”.

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Et d’esquisser un sombre tableau des largesses qui profitent au secteur, celui d’un “marché ouvert à la concurrence”, où les frais de scolarité “sont fixés librement par les opérateurs”, et avec des écarts “notables” sur la qualité des prestations. Un “ni contrôle, ni sanction” qui affecte “la qualité et la performance” du modèle.

Gain et qualité, le grand écart

Les revenus du secteur sont pourtant faramineux. Le Conseil de la concurrence les estime, pour l’année 2019-2020, à près de 20 milliards de dirhams par an pour le privé national, sans compter les établissements rattachés à un système étranger. D’autant que le secteur est peu imposé : 124 millions de dirhams.

Le marché est aussi caractérisé par d’importants écarts entre “la tarification et les services rendus”, alors même que les “caractéristiques des services commercialisés” se trouvent “difficiles à évaluer”. Si la question des tarifs avait fait grand bruit au moment de la rentrée 2020 et du retour à l’école post-Covid, l’étude évoque des frais variables, entre 4000 et 40.000 dirhams par an.

Ménages tenus à la gorge

Pour le Conseil, “il semble important d’instaurer un système complet d’information permettant de comparer les services offerts” aux parties prenantes de ce marché, notamment les ménages. Le secteur est intrinsèquement lié au pouvoir d’achat de ceux-ci. L’accès à l’enseignement privé est ainsi quasiment limité aux enfants des classes moyennes et aisées, voire aux enfants uniques.

L’instance préconise de mettre en place un système effectif de “normes” de qualité pour évaluer la “performance” des établissements. Un mécanisme aujourd’hui lacunaire : les opérateurs ont les coudées franches. Aux yeux du gendarme, fonder un établissement scolaire privé est une entreprise “accessible” et “sans condition”. L’investisseur bénéficie de la liberté de choisir le lieu ainsi que les modalités éducatives de son projet.

Une législation à revoir

La faute à un cadre caduc, promulgué au début des années 2000. “La résolution d’un certain nombre de problèmes posés […] est conditionnée par l’accélération de la révision des textes législatifs”, note le conseil. S’il préconise d’encourager la liberté des prix, il recommande à l’État de “prendre en charge” la rémunération et le recrutement du corps enseignant en contrepartie de leur contribution à la généralisation de l’enseignement.

Mais la vitalité et conformité du secteur pourraient surtout résider, aux yeux du Conseil, dans l’ouverture aux différents territoires et à une meilleure synergie avec le public. L’école publique ainsi boostée pourrait offrir un dynamisme concurrentiel. Un autre grand chantier.