Le drone, atout maître des groupes jihadistes et paramilitaires

Le phénomène s’amplifie et inquiète les états-majors et services de sécurité : les jihadistes, groupes criminels et paramilitaires s’emparent du drone comme arme létale, à l’image de la tentative d’assassinat contre le Premier ministre irakien.

Par

(image d'illustration) Crédit: Sem van der Wal / ANP / AFP

Moustafa al-Kazimi est sorti indemne, le dimanche 7 novembre, d’une attaque aux drones piégés, comme avant lui, le président socialiste vénézuélien Nicolas Maduro, victime en 2018 d’un attentat manqué attribué à l’opposition.

Cela confirme ce que l’on savait déjà : les attaques à courte portée sont de plus en plus viables, pas très difficiles à financer ni à organiser techniquement, et potentiellement assez précises”, résume pour l’AFP Michael O’Hanlon, chercheur à la Brookings Institution.

Le véhicule du premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi après une attaque de drone, le 7 novembre 2021.Crédit: Iraqi Prime Minister's Office / AFP

Ces dernières années, toutes les armées du monde se sont interrogées sur l’usage des drones dans leur arsenal. Mais aussi sur le risque de voir cette arme proliférer au sein de groupes non étatiques, d’autant plus facilement que les drones sont en vente libre ou presque.

Double usage

Jean-Marc Rickli, directeur des risques globaux et émergents au Centre de politique de sécurité à Genève (GCSP), souligne à cet égard “l’importance croissante des technologies à double usage, c’est-à-dire des technologies commerciales utilisables à des fins militaires”.

L’expert constate un usage de plus en plus large de cet outil contrôlable à distance, depuis l’attentat ciblé, criminel ou terroriste, jusqu’à l’attaque en bonne et due forme avec des essaims de drones. Un ciel brusquement saturé de petits engins habiles, rapides et dont le vol est coordonné. Comme lors de l’opération lancée par les rebelles Houthis au Yémen contre des installations pétrolières en Arabie saoudite, en 2019, après mise en échec des systèmes saoudiens de défense aérienne.

On trouve sur le marché des drones faits pour ce type de mission”, constate M. Rickli, évoquant des petits drones chinois capables de voler en essaim ou des Kalavchnikovs russes, équipées d’ailes, “un AK47 volant, vendu comme arme anti-drone, mais utilisable à des fins offensives”.

En Irak, une attaque ciblée

Dans le cas irakien, “trois drones” auraient été lancés, selon les sources sécuritaires. Deux ont été abattus, mais le troisième a pu faire exploser sa charge. L’Iran a condamné l’attaque, mais la République islamique compte parmi les suspects, selon nombre d’analystes, d’autant qu’elle compte notoirement parmi les puissances régionales qui ont su développer le secteur.

L’attaque de drone semble confirmer des tendances récentes démontrant la volonté de l’Iran de mener une action armée contre des adversaires régionaux”, soulignait lundi matin le Soufan Center, institut privé américain d’analyse militaire et stratégique.

À terme, au Moyen-Orient comme partout ailleurs, les drones vont sans aucun doute pénétrer et faire bouger le quotidien de la guerre, des conflits asymétriques et du terrorisme international. L’exemple irakien “souligne la potentielle utilisation (des drones) dans les assassinats ciblés”, analyse pour l’AFP Jeremy Binnie, spécialiste de défense au Moyen-Orient pour la publication spécialisée britannique Janes.

La menace croît, alors que les composants deviennent de plus en plus efficaces, permettant aux entreprises d’augmenter la charge utile que l’appareil peut porter”, pour le plus grand intérêt des insurrections et autres groupes jihadistes, constate le chercheur.

Quelle défense ?

En face, la défense s’organise, mais reste à la traîne, concentrée en particulier sur le brouillage des ondes de commande, des images ou des fréquences des GPS utilisées par les drones d’origine civile.

Schématiquement, un drone est guidé par trois canaux : radiofréquence, réseau télécom (4G, 5G), ou coordonnées GPS préprogrammées, résumait récemment à l’AFP une source sécuritaire en marge de Milipol, le salon de la sécurité intérieure des États, près de Paris.

De plus en plus de services de protection des personnalités s’équipent de systèmes de brouillage de ces canaux. “C’est comme si on criait plus fort que l’opérateur du drone, qui se retrouve paralysé”, le temps de mettre la cible à l’abri, expliquait-elle.

à lire aussi

Les années à venir devraient voir le problème s’accentuer avec un très fort potentiel disruptif, car à chaque type de drone doit répondre une formule tactique défensive adéquate.

Quant aux systèmes cinétiques traditionnels — missiles, arsenaux anti-aériens — ils sont “considérés comme inappropriés pour la défense (anti-drone) dans les zones habitées”, rappelle Jérémy Binnie.