La maison-mère des yaourts Activia, des petits pots pour bébé Blédina et de l’eau Evian, aux 100.000 salariés dans le monde, comptera un tandem à sa tête : Gilles Schnepp, président depuis six mois, et Antoine de Saint-Affrique, directeur général. Ces deux fonctions étaient auparavant occupées par Emmanuel Faber, médiatique PDG réputé prôner un capitalisme plus vert et plus social.
Après plusieurs mois de tensions, ce dernier avait été débarqué par le conseil d’administration à la mi-mars, épilogue d’une fronde d’actionnaires combinée à des divisions internes. Emmanuel Faber avait notamment été désavoué par son prédécesseur, Franck Riboud, fils du fondateur de Danone Antoine Riboud.
Antoine de Saint-Affrique, 56 ans, dirigeait auparavant le groupe suisse Barry Callebaut, qui fournit du cacao et des préparations à base de chocolat aux géants de l’alimentation que sont Unilever, Nestlé ou Mondelez, ainsi qu’aux professionnels de la pâtisserie. Sollicité, il n’a pas souhaité s’exprimer avant sa prise de fonctions.
Zone de turbulences
Son arrivée intervient un an après les premières turbulences traversées par l’ancienne direction : des départs rapprochés de cadres éminents, ferments de la crise de gouvernance qui éclatera au grand jour à l’automne.
“Il sent qu’il arrive dans une entreprise déboussolée, un peu convalescente”, à laquelle il va falloir “redonner confiance” et “de la clarté dans les priorités”, a déclaré à l’AFP un dirigeant du groupe, préférant garder l’anonymat. “Son objectif des premières semaines et premiers mois, c’est de s’immerger dans l’entreprise de manière à construire son plan” pour la “remettre en ordre de marche”, a-t-il ajouté.
“Il sent qu’il arrive dans une entreprise déboussolée, un peu convalescente”
Il s’agira déjà de remobiliser des équipes éprouvées par l’année écoulée. D’autant qu’un plan social est en cours. Maintenu en dépit du départ d’Emmanuel Faber qui l’avait initié, le plan “Local First” prévoit un profond remaniement de l’organigramme de Danone. Il implique la suppression nette de 1850 postes dans le monde, dont 425 postes en France d’ici fin 2022, principalement dans l’encadrement.
“L’ampleur sans pareille de cette restructuration fait peser un risque sur la continuité opérationnelle de l’entreprise et la santé des salariés”, ont alerté des syndicats de Danone SA pendant l’été. Le groupe escompte 700 millions d’euros d’économies. Autre priorité : réenclencher le “cercle vertueux de la croissance”, selon l’expression du dirigeant interrogé par l’AFP.
Danone a été fortement affecté par la pandémie de Covid-19, en raison de la chute des ventes d’eaux en bouteille. En 2020, le groupe a dégagé une marge opérationnelle de 14 %, contre 17,7 % pour Nestlé et 18,5 % chez Unilever — ce qui alimentait la défiance des actionnaires à l’égard d’Emmanuel Faber. Depuis son plus haut atteint en septembre 2019 (autour de 82 euros), l’action est tombée sous les 50 euros en octobre dernier. Elle est depuis remontée aux alentours de 60 euros.
“Le groupe devrait réfléchir à se délester de certaines activités, à l’image du “lait sous-valorisé en Russie, au Brésil en Argentine et au Maroc””
“Les investisseurs adressent comme principal reproche à Danone de pas avoir assez investi en innovation et en marketing. Le défi de court terme, c’est de relancer la dynamique commerciale et d’innovation en utilisant les économies générées par le plan Local First, sans trop casser la rentabilité”, estime auprès de l’AFP Pierre Tegnér, analyste chez Oddo-BHF.
Pour lui, le groupe devrait se concentrer sur ses “vraies batailles” et réfléchir à se délester de certaines activités, à l’image du “lait sous-valorisé en Russie, au Brésil en Argentine et au Maroc”. “La chance” d’Antoine de Saint-Affrique, poursuit M. Tegnér, “c’est que tous les facteurs de résistance en interne sont en train de partir”.
Danone a récemment annoncé un renouvellement complet de son conseil d’administration sous deux ans, à l’exception du président Gilles Schnepp.