Avec le couvre-feu à 21h, la fréquentation des cinémas chute de 90%

Avec l’avancée du couvre-feu dès le 3 août, le nombre d’entrées dans les salles de cinéma a drastiquement chuté. Les professionnels du secteur souhaitent obtenir une autorisation d’accès aux salles après 21 heures pour les personnes vaccinées.

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Les présidents des chambres syndicales du secteur ont écrit au chef de gouvernement. Crédit: Felix Mooneram / Unsplash

On a l’impression d’être délaissés”, “une injustice”… Le milieu du cinéma ne cache pas son inquiétude face aux nouvelles réglementations. Les salles obscures ont subi une chute de 90 % de fréquentation à la suite de l’avancée du couvre-feu, assure Pierre-François Bernet, fondateur et directeur général de CineAtlas. Des restrictions qui sont arrivées au moment où les cinémas tentaient de se refaire une santé après 15 mois de fermeture administrative.

“Dans le train, les gens sont collés les uns aux autres, et à nous, on nous dit de fermer les salles alors qu’on applique les règles sanitaires”

Jamal Souissi

Dans une lettre adressée le 3 août au chef du gouvernement Saâd-Eddine El Othmani, les présidents des chambres syndicales du secteur craignaient un plongeon de 90 % du nombre d’entrées. Il aura fallu moins d’une semaine pour leur donner raison. C’est tout un secteur qui a l’impression d’être abandonné. “Dans le train, les gens sont collés les uns aux autres, et à nous, on nous dit de fermer les salles alors qu’on applique les règles sanitaires”, s’étonne Jamal Souissi, président de la Chambre marocaine des producteurs de films.

La dégringolade était déjà bien entamée, comme le révèle la lettre écrite par les syndicats : “Le couvre-feu de 23 heures pesait à lui seul pour moitié dans les pertes (établies à 60 %, ndlr) de fréquentation.” La jauge fixée à 50 % étant responsable de l’autre moitié. Avec le couvre-feu à 21 heures, les cinémas sont privés des séances du soir qui représentent 60 % des recettes quotidiennes hors coronavirus. Les caisses se creusent.

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Les salles de cinéma sont les premières représentantes du secteur. Si elles vont mal, l’industrie marocaine du film trinque aussi. “Ça fait deux ans qu’on attend de gagner notre vie”, s’indigne Jamal Souissi. Dans la distribution des films, les productions nationales possèdent une part plus faible que les blockbusters. “Déjà qu’on a peu de semaines, alors si on baisse le nombre de séances de cinéma… Plusieurs films attendent depuis deux ans de sortir”, s’inquiète le producteur.

Étendre l’utilisation du pass vaccinal

Pour tenter de s’en sortir, le secteur milite pour maintenir les salles ouvertes aux personnes vaccinées. Avec plus d’un tiers de la population ayant reçu deux doses et l’extension de la vaccination aux plus de 20 ans, la proportion de clients potentiels grandit.

Une des salles du multiplexe CineAtlas à Rabat. “Ma plus grande salle peut accueillir 250 personnes et je suis limité à 25”, déplore son directeur.Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

En plus de l’annonce de l’avancée du couvre-feu à 21 heures, les autorités ont durci la jauge, plaçant la limite à 25 personnes maximum dans les salles de cinéma. Ainsi, le gouvernement abandonne l’utilisation d’une jauge proportionnelle. Une incompréhension pour Pierre-François Bernet : “Ma plus grande salle peut accueillir 250 personnes et je suis limité à 25.

Au-delà de la baisse des ventes de tickets, les établissements ont vu leurs recettes publicitaires “réduites à néant”, alertent les syndicats. Le directeur général de CineAtlas évalue ses pertes à 200.000 – 250.000 dirhams pour le mois d’août. “Pour ne pas perdre de l’argent, la seule solution serait de fermer, mais on n’a rien pour les employés”, regrette Pierre-François Bernet.

L’État a annoncé couvrir les charges fixes pendant les huit premiers mois qui ont suivi mars 2020, alors que les salles sont restées portes closes pendant presque le double. “Seuls trois mois d’aides ont été versés à ce jour”, écrivent les syndicats dans leur lettre envoyée au chef du gouvernement le 3 août.

Plus d’une semaine plus tard, aucune réponse n’a été donnée par les autorités. Désormais, la filière souhaite négocier une réduction d’impôts pour les cinq années à venir afin de se relever et de faire face à la concurrence des opérateurs de streaming qui ne payent pas de taxes, comme Netflix et Amazon.