Boycott de Sidi Ali, Centrale Danone et Afriquia: une étude universitaire pour comprendre

Au Maroc, la société n’est pas habituée à cette forme de protestation. C’est pour cela que les réactions ont été parfois démesurées, parfois absurdes, rarement indifférentes. Les marques et entreprises boycottées -Sidi Ali, Centrale Danone et Afriquia-, comme tirées au sort, ont mis longtemps à se relever. Mais qu’en est-il de leur image de marque ?

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Le souvenir du boycott de 2018 est encore dans les esprits. Car « boycotter n’est pas un acte anodin, mais c’est une prise de position à travers laquelle le consommateur citoyen exprime sa désapprobation à l’égard de la politique d’une firme ou d’un pays, espérant ainsi infliger une sanction matérielle ou morale à la cible » boycottée. Partant de cette définition du boycott, un appel au boycott est lancé, de manière spontanée, sur les réseaux sociaux en 2018, désignant trois cibles dont le poids dans l’économie marocaine est substantiel. Qui en est à l’origine, pourquoi, et pourquoi seulement trois cibles : Afriquia de Aziz Akhannouch, l’eau minérale Sidi Ali de la famille Bensalah, et Centrale Danone du groupe français Danone ? N’y avait-il pas d’autres cibles plus appropriées ? Etait-ce une expression populaire et spontanée, « ou une orchestration occulte et « manipulatrice » de la population », ?, s’interrogent les auteurs.

Dans un pays qui n’est pas habitué à ce genre d’action, on a entendu tout et son contraire au sujet de ce boycott, qui constitue une première au Maroc. On vu déraper des politiques entre soutien timide ou dénonciation ouverte, comme Lahcen Daoudi, alors ministre des Affaires générales, défilant aux côtés des employés de Centrale Danone, s’attirant la grogne des boycotteurs. On a vu plier Centrale Danone, on a entendu quelques vérités et d’énormes contradictions… Normal, car un phénomène étranger à notre société vient d’y faire son intrusion grâce aux réseaux sociaux.

«Boycott, réseaux sociaux et communication de crise au Maroc»

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Selon les auteurs, « il s’agit d’une pratique courante aux Etats-Unis ainsi qu’en Europe du Nord et de l’Ouest (…) 55% de Suédois recourent au boycott contre 7% de Portugais ». Et au Maroc donc ? Mis à part les chiffres avancés par les trois cibles du boycott, on ne sait pas dans quelle mesure cette opération a été suivie. Ce qu’on sait, c’est que leurs chiffres d’affaires ont été impactés, fortement même dans le cas de Centrale Danone.

Comprendre le processus

Jaouad Bennis et Abdelhadi Samadi, tous deux professeurs de l’enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca et respectivement directeur et membre permanent du « Laboratoire de recherches communication, société et organisations », ont essayé, avec la collaboration d’un comité scientifique élargi, d’étudier la genèse et les conséquences d’une initiative qui a marqué les esprits. Les chercheurs à l’origine de cette étude « entendent présenter des éléments théoriques susceptibles de comprendre le processus de boycott » jusqu’à arriver « à savoir le cycle de vie du boycott et les parties prenantes de l’organisation ». L’objectif étant « de mettre en place un schéma de compréhension des tenants et aboutissants de toute action de boycott ».

Comprendre le boycott comme expression d’un mouvement social spontané et d’une nouvelle forme de protestation, la campagne de boycott de 2018, la communication de crise, l’usage des réseaux sociaux, ou encore le boycott dans la presse, les chercheurs passent en revue les différentes étapes parcourues par le boycott de 2018, les trois cibles et leur communication pendant et après, les différents acteurs…

Les chercheurs arrivent à conclure que « les réactions des marques ainsi que les messages de provocation et de démonstration des hommes politiques n’ont fait que révolter la communauté des boycotteurs (…) qui ont cru en la légitimité de leur action ». Selon les chercheurs, seule « la marque française (Danone) a témoigné d’une volonté sans égard pour soigner sa réputation et se réconcilier avec ses clients ». Les deux autres cibles, quant à elles, ont encore « un long chemin à parcourir, notamment en temps de crise », pour peaufiner leur communication.

« Boycott. Réseaux sociaux et communication de crise au Maroc », sous la direction de Jaouad Bennis et Abdelhadi Samadi, éditions du Laboratoire de Recherches Communication, Société et Organisations (2021)

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