Abdallah Laroui a pris sur lui de traduire ce livre peu connu de l’illustre savant du Moyen-âge, l’un des plus grands de son époque, au point que ses écrits sont accessibles dans toutes les langues. Il a surtout consacré une analyse très pointue à la pensée d’Ibn Khaldoun, d’un point de vue philosophique mais également sociologique, entre “Raison et déraison”.
Ibn Khaldoun et son œuvre ont été scrutés, étudiés, analysés, documentés dans le monde entier. C’est que l’historien, sociologue avant l’heure et démographe précurseur est le produit de plusieurs pays et plusieurs cultures, ce qui lui a permis d’étudier toutes les sociétés par où il est passé, observant à la loupe les us et coutumes de ses contemporains, quelles que soient leur religion ou leur origine.
Ayant vécu entre l’Andalousie, le Maroc, la Tunisie et Le Caire, où il finit sa vie et peaufine son œuvre, il n’hésite pas à prendre son bâton de pèlerin pour partir à la conquête d’autres horizons. C’est ainsi qu’il se trouve à Damas au moment du siège du terrible Tamerlan, auprès duquel il intercède en faveur des habitants et obtient que leurs vies soient sauvées.
Considéré comme le père de la sociologie et de la démographie, ses écrits sont une source intarissable pour celui qui veut comprendre la société telle qu’elle était à son époque, et comment les mêmes causes aboutissent aux mêmes effets quelle que soit l’époque où on se place.
Pour les penseurs modernes, Ibn Khaldoun est un passage obligé, qui leur permet d’enrichir leur pensée et de peaufiner leurs analyses. Abdallah Laroui, penseur, philosophe, historien mais aussi sociologue, n’a pas dérogé à la règle, se penchant sur la pensée, cette fois-ci, de l’illustre auteur de la Muqaddima (Les Prolégomènes).
Ou comment Ibn Khaldoun, dans son livre Shifâ’a a-Sâ’il li-Tahdib al-Masâ’il – un titre pompeux qui “n’a pas de relation claire avec son contenu”, selon Abdallah Laroui, lui préférant “Raison et déraison” qui lui semble plus en conformité – étudie la pensée de ses contemporains et leur penchant pour le soufisme, qui ne le passionne pas outre-mesure.
“Le soufisme est le symptôme d’une crise profonde. Né de la décadence, il la prolonge et l’approfondit. Il est la négation de l’Etat, de la société organisée, de la conscience collective, et de la prédication qui les soutient. C’est un échec qui se donne l’apparence d’une victoire sur soi-même, sur le temps, sur le monde et l’histoire”, ainsi est décrypté, par Laroui, la position d’Ibn Khaldoun vis-à-vis du soufisme, une pensée qui commençait à se propager à cette époque.
«Ibn Khaldun: Raison et déraison»
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En avance sur son temps
Selon Laroui, dans son introduction, “Ibn Khaldoun est légitimiste ; c’est cela qui le définit et explique ses prises de position sur tous les sujets discutés (…) Et c’est cette posture fondamentale qui seule permet de comprendre en quel sens il se devait d’être réaliste en politique, positiviste en droit, littéraliste en théologie, allergique à toute tentation mystique au sens fort du terme, c’est-à-dire qui va au-delà du piétisme et de la droiture”, à tel point qu’on le “croirait plus aisément proche de Descartes”, analyse Laroui, d’un point de vue philosophique.
C’est que dans cette œuvre, traduite par Abdallah Laroui en français, apparemment écrite au Maroc lors du séjour d’Ibn Khaldoun, il s’agit pour l’auteur de la Muqaddima de trancher avec le penchant de ses contemporains pour le mysticisme qui se placerait au-dessus de la religion, qu’il qualifie de loi.
Laroui explique : “La loi commune, qui s’adresse à tous dans un langage accessible à chacun, et dont l’objectif est de rendre vivable la société, est de rendre à Dieu ce qui lui est dû pour échapper à sa colère”. Ibn Khaldoun pense que “l’homme peut vivre, et même bien vivre, s’il prend soin de développer toutes ses facultés”, c’est à-dire celles que Dieu lui a données.
“J’ai toujours considéré le majdhûb, ayant perdu la raison, et par conséquent n’étant plus responsable, ne fait plus partie de la société humaine. Ne tombant sous aucune qualification juridique, ne remplissant plus ses devoirs religieux, il est en dehors de la communauté. Dans ces conditions, comment peut-il prétendre à la sainteté, et comment a-t-on pu dans le passé, et continue-t-on, unanimement et jusqu’à aujourd’hui, à le compter parmi les saints les plus vénérés ?”, observait Ibn Khaldoun.
Quand on connaît la place qu’ont prise les majdhûbs dans la société marocaine au cours de l’histoire, on est bien en droit de conclure qu’il était en avance sur son époque.
Raison et déraison ou une réponse satisfaisante à des questions embarrassantes, d’Ibn Khaldoun, traduit et analysé par Abdallah Laroui, Editions Le Centre culturel du livre (2021).
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