L’épineux dossier de la gestion stratégique de l’eau arrive sur les bancs du Parlement. Le groupe thématique parlementaire chargé de l’évaluation des politiques publiques, qui a étudié la stratégie nationale de l’eau 2009-2020, présente son rapport mardi 9 février en séance plénière de la Chambre des conseillers. Du côté de l’Exécutif, le dossier concerne quatre ministères : l’Intérieur, l’Agriculture, l’Équipement et l’Énergie.
Le rapport prend des allures d’admonestation pour le bilan présenté par les deux gouvernements successifs, qui n’ont pas su mener à bien les objectifs de la stratégie nationale de la gestion de l’eau. Et pour cause, le rapport constate plusieurs retards au niveau de la mobilisation de l’eau, de la construction des barrages ou encore du transfert des ressources hydriques des zones excédentaires vers les régions qui en ont le plus besoin. Le rapport alerte également sur le manque de mobilisation des ressources financières pour la réussite des différents projets qu’englobe la stratégie nationale de l’eau.
Des conclusions accablantes
Présidé par Rahhal El Mekkaoui, président de la Commission des finances et du développement économique et membre du groupe parlementaire de l’Istiqlal, le travail mené par le groupe d’évaluation se démarque par son approche : trois ministres, le directeur général de l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE) et les directeurs des agences des bassins ont ainsi été auditionnés. Seul Aziz Rebbah, ministre de l’Énergie, a manqué à l’appel, considérant qu’il n’avait pas de rapport avec le sujet traité, bien que l’environnement relève de son ministère.
“Il est clair que l’activation de cette stratégie a été gravement perturbée en termes de temps”
Les conclusions du rapport n’en sont pas moins accablantes pour les gouvernements qui se sont succédé cette dernière décennie. “Dix ans après la présentation de la stratégie nationale de l’eau devant le roi, il est clair que l’activation de cette stratégie a été gravement perturbée en termes de temps”, peut-on lire dans les conclusions du rapport. Un retard qui a nécessité l’intervention royale en 2019, qui a permis de mettre en place un programme d’urgence intégrant l’accélération des opérations de dessalement et de la cadence de construction des grands barrages. “La mise en place du plan national de l’eau n’a pas permis d’atteindre les objectifs fixés et n’offre pas de données tangibles pour son évaluation”, ajoute le rapport.
Face au constat du retard accumulé en termes de gestion de l’eau, le rapport parlementaire avance plusieurs recommandations. Le groupe de travail parlementaire propose que le gouvernement veille à garantir la convergence entre les différents acteurs concernés par la question de la gestion de l’eau. En effet, le rapport souligne un manque de coordination flagrant entre les ministères en charge de ce dossier et met le doigt sur “l’absence d’une vision claire de la gestion du secteur de l’eau avec des données et des indicateurs précis”.
Faire face à la pollution
Dans le but de favoriser le développement des cultures, le groupe de travail préconise l’intégration des barrages à construire dans les projets agricoles. Il insiste également sur l’adoption d’une stratégie politique qui vise à diversifier les ressources en eau, à travers l’innovation dans de nouvelles méthodes de mobilisation de l’eau notamment, pour faire face au défi du stress hydrique qui menace le royaume à l’avenir.
Le rapport recommande de limiter les cultures qui consomment une grande quantité d’eau pour se tourner vers des plantations plus adaptées au changement climatique
En ce qui concerne la nature des projets agricoles mis en place, le rapport recommande de limiter les cultures qui consomment une grande quantité d’eau pour se tourner vers des plantations plus adaptées au changement climatique et à la disponibilité des ressources des nappes phréatiques. Il y est également question de la sensibilisation pour favoriser une prise de conscience des populations de l’importance de la rationalisation dans l’économie de l’eau. Le rapport évoque aussi la nécessité de poursuivre la construction des barrages pour mieux canaliser l’eau des pluies et des inondations et recharger les réserves des nappes phréatiques.
La question de la pollution des eaux n’est pas en reste. Le groupe parlementaire alerte notamment sur les dangers pour la pollution des nappes phréatiques que représentent les mésusages de produits chimiques dans le domaine de l’agriculture. Le rapport évoque également la possibilité de “contraindre les unités industrielles et touristiques à traiter leurs eaux usées conformément à la réglementation avant de les rejeter dans les cours d’eau”. Il insiste aussi sur la réutilisation des eaux usées dans les activités agricoles, notamment à travers l’irrigation ou l’alimentation des nappes phréatiques. Par ailleurs, le gouvernement est appelé à la réalisation de réseaux d’assainissement dans les communes rurales pour éviter la pollution des eaux souterraines.