L’arrivée des États-Unis dans le dispositif Covax devrait se traduire par un nouvel apport financier. Mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait face à un autre problème : les accords bilatéraux signés par les pays riches sous la pression de leur opinion publique pour accélérer les plans de vaccination. Par ailleurs, dans le cadre de Covax, l’OMS a signé des accords avec des laboratoires, dont certains n’ont toujours pas finalisé leurs vaccins.
Pour un accès équitable aux vaccins
Le système Covax, piloté par l’OMS, vise à fournir d’ici fin 2021 des vaccins anti-Covid à au moins 20 % de la population des pays participants, mais il comporte surtout un mécanisme de financement qui permet aux pays défavorisés qui y participent d’avoir accès aux précieuses doses.
“Vitesse et mise à disposition à grande échelle des vaccins sont une nécessité pour mettre fin à la pandémie”
“Vitesse et mise à disposition à grande échelle des vaccins sont une nécessité pour mettre fin à la pandémie”, a déclaré début janvier la candidate nigeriane à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, sur le site web Project Syndicate. “Cet effort extraordinaire est possible grâce à un élan sans précédent de solidarité mondiale et de soutien multilatéral au Covax”, a-t-elle ajouté.
Ce dispositif central d’accès mondial à la vaccination contre le Covid-19 a été lancé en juin par l’Alliance du vaccin Gavi, que Mme Okonjo-Iweala a dirigée. Il s’inspire de mécanismes qui ont permis un accès universel et équitable aux vaccins contre le pneumocoque et le virus Ebola. En garantissant l’achat d’un certain volume de vaccins avant même leur homologation, et en offrant des garanties de marché, le mécanisme Covax vise à inciter les laboratoires pharmaceutiques à investir dans leurs capacités de production, pour garantir que la fabrication sera accélérée avant l’approbation des vaccins et non après.
L’Unicef, à la tête de la logistique vaccinale onusienne, est le bras armé de la stratégie Covax sur le terrain, et se prépare à transporter jusqu’à 850 tonnes de vaccins par mois. Des accords ont été signés jusqu’à présent par l’OMS avec plusieurs laboratoires : Novavax, Sanofi-GSK, Johnson & Johnson — qui n’ont pas encore été autorisés par les autorités nationales, et AstraZeneca.
L’OMS a ainsi jusqu’à présent passé des contrats portant sur 2 milliards de doses, et bénéficie également du droit de premier refus — elle se voit proposer les doses en priorité — sur 1 milliard de doses supplémentaires d’ici la fin de 2021, dans le cadre du mécanisme Covax, auquel participent actuellement 190 pays, dont 92 à revenu faible et intermédiaire.
Feu orange
Reste que pour distribuer les fioles dans les pays défavorisés, l’OMS se doit d’avoir certifié les vaccins. Pour l’instant, l’organisation n’a validé que celui développé par le duo BioNTech/Pfizer, déjà autorisé par les autorités nationales de plusieurs pays, et elle espère prendre une décision fin février concernant le vaccin de Moderna, qui a également reçu le feu vert de plusieurs autorités de régulation sanitaire. Et l’OMS mène des discussions avec Pfizer et Moderna pour obtenir leurs précieuses doses. En espérant pouvoir faire acheminer les premières fioles en février.
Ces livraisons de vaccins dépendent aussi d’autres facteurs, tels que l’état de préparation des pays. Le succès de ce projet colossal dépendra également des fonds reçus. En 2020, le mécanisme Covax a atteint son objectif urgent de collecte de fonds de 2 milliards de dollars. Mais au moins 4,6 milliards de dollars supplémentaires seront nécessaires cette année pour se procurer les doses, 800 millions pour la recherche et le développement et 1,4 milliard pour la distribution des vaccins.
L’OMS espère distribuer dans le monde 145 millions de doses au cours du premier trimestre. Mais ces prévisions ne sont pas sans “certaines réserves très importantes”, a averti mardi Bruce Aylward, qui dirige le programme hébergeant Covax. Car si le dispositif est opérationnel, l’OMS ne dispose pas encore de doses à distribuer.
Le retour des États-Unis à l’OMS, avec Joe Biden à la Maison Blanche, va donner un nouvel élan financier au Covax, jusqu’alors boudé par Donald Trump. Mais le “nationalisme vaccinal”, dénoncé à maintes reprises par l’OMS qui craint que les pays riches n’accaparent toutes les doses, inquiète l’organisation. À tel point que le patron de l’agence, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a demandé début janvier aux pays riches de cesser de conclure des “accords bilatéraux” avec les laboratoires pharmaceutiques, appelés eux à donner la priorité au Covax.