Aïcha Akalay : “Nour-Eddine Saïl a fait les plus belles années du cinéma marocain”

En hommage à Nour-Eddine Saïl, disparu dans la soirée du 15 décembre, Aïcha Akalay, ancienne directrice de publication de TelQuel et amie de longue date, salue un homme qui aura marqué à jamais le paysage audiovisuel marocain.

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Aicha Akalay, ancienne directrice de publication de TelQuel, avec Nour-Eddine Saïl en visite à la rédaction. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

“Nour-Eddine Saïl était quelqu’un que j’aimais profondément, un ami comme on n’en a pas beaucoup dans une vie, d’une fidélité en amitié que j’ai rarement croisée. Lui-même le disait : ses vrais amis, il les comptait sur les doigts d’une main. Il a grandi avec mon oncle, Lotfi Akalay. Comme moi, il était de Tanger : nous riions souvent de ce lien régional que l’on partageait.

Le reste de notre complicité reposait principalement sur le cinéma : il y a longtemps, lorsque j’écrivais des chroniques et critiques de cinéma pour TelQuel, il les lisait. Je me souviens qu’une fois, j’ai fait une critique de Shutter Island de Scorsese. Après l’avoir lue, il m’a envoyé un beau livre sur le travail du réalisateur américain. Ces petites attentions illustrent ce qui était le plus essentiel pour lui : le partage des idées, de la connaissance, et de la culture.

“Nour-Eddine Saïl était celui qui faisait venir Edgar Morin à Khouribga et Agnès Jaoui à Salé”

Aïcha Akalay

Lorsque je suis devenue journaliste, il était directeur du Centre cinématographique marocain, et je suivais de près son actualité. Il a fait les plus belles années du cinéma marocain. Il fallait voir le beau monde qui défilait aux festivals organisés sous sa présidence : Nour-Eddine Saïl était celui qui faisait venir Edgar Morin à Khouribga et Agnès Jaoui à Salé. Toutes les personnes qui gravitent autour du cinéma marocain le connaissaient.

On ne peut parler de Nour-Eddine Saïl sans évoquer son humilité et sa discrétion. Il n’a dit à quasiment personne qu’il était malade. Chaque mercredi, il avait pour tradition d’envoyer le Canard enchaîné à un groupe d’amis. Mercredi dernier, depuis son lit d’hôpital, il n’a pas manqué à son habitude. Sans faire trop de bruit, il est parti sur la pointe des pieds.

Passer du temps avec lui revenait à une discussion qui pouvait durer jusqu’à quatre heures, où l’on parlerait des trois ou quatre livres qu’il lisait en même temps, du dernier film qu’il avait vu ou encore de philosophie. Car le professeur de philosophie qu’il a été dans une vie antérieure n’a jamais cessé de l’animer. Nour-Eddine Saïl a énormément fait pour la culture de son pays, et était très engagé dans toutes les réflexions autour de l’éducation, ne serait-ce qu’en tant que membre du Conseil supérieur de l’éducation.

Il a laissé de merveilleuses années derrière lui, où il a prouvé que l’on pouvait faire de la télévision de qualité au Maroc. Il a construit l’industrie du cinéma marocain. Il nous a tous éclairés de ses idées, et bien qu’il n’aurait pas souhaité que je le dise dans ces termes, il était un grand patriote. Il était animé par l’intérêt du Maroc, et n’avait de cesse de répéter qu’il fallait que l’on produise les images de notre imaginaire.”

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