Khalid Ait Taleb sur Radio 2M : "Nous nous attendions à plus de décès et de cas de contamination"

Situation épidémiologique, vaccins, hydroxychloroquine et mesures annoncés à la dernière minute... le ministre de la Santé, peu disert dans les médias, était sur Radio 2M pour aborder les principaux points de la riposte Covid-19.

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Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé. Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

Aujourd’hui, il est vrai que nous avons plus de cas que prévu, mais d’après nos modélisations et projections, nous nous attendions à plus de décès et de cas contamination. Je pense que la situation reste sous contrôle, malgré la situation qui règne”. Ce mardi 29 septembre, à 13 heures, le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb était l’invité de l’émission Faites entrer l’invité diffusé sur Radio 2M. Une sortie médiatique rare, quelques jours après un premier passage sur les ondes de Radio Aswat, pour l’homme en charge de la riposte contre l’épidémie de Covid-19 depuis son apparition au Maroc, en mars dernier. 

L’occasion pour lui de revenir sur les questions que tout le monde se pose, en absence de comptes-rendus permanents à l’exception de chiffres quotidiens et de bilans épidémiologique désormais hebdomadaires. Toutes précisions sur l’évolution et les moyens déployés reste somme toutes importantes en l’absence de communication régulière. Une épidémie qui, au Maroc, en est toujours à la “première vague”, détaille-t-il d’entrée et dont la hausse de contaminations est liée “à l’apparitions de petits phénomènes ponctuels et de clusters”. “Pendant la première vague, tous les malades vulnérables étaient protégés, avance-t-il, au micro de la journaliste Fathia Elaouni. Depuis la levée du confinement, ils ne le sont plus, il y a plus de liberté [de circuler, NDLR] et c’est normal. C’est les résultats attendus, ce n’est pas une surprise pour nous.

Les 60-79 ans restent les plus touchés

Loin d’être en état d’alerte, le ministre tient avant tout un propos rassurant. Sur la capacité litière du système de santé pour résorber et traiter les cas Covid-19, il évoque des chiffres de “bonne augure”. Ainsi il détaille que par rapport aux cas graves et non-asymptomatiques, le Maroc dispose de 1833 lits de réanimation, dont 280 sont occupés en ce moment. Soit “un taux d’occupation de seulement 16%, bien en deçà de la valeur d’alerte fixée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de 75%”. Des chiffres rassurants également sur le taux de mortalité qui se situe autour des 1,8% : “Le Maroc compte parmi les pays qui ont les chiffres les plus bas, poursuit le ministre de la Santé hissé à ce maroquin lors du remaniement de l’automne 2019. C’est vrai que le nombre de cas positif augmente, mais ceux concernant les cas graves et de décès se stabilisent. C’est de bonne augure”.

Le Maroc dispose de 1833 lits de réanimation, dont 280 sont occupés en ce moment.

Au Maroc, les 60-79 ans restent les plus touchés et les plus présents, “en grande proportion” dans les services de réanimations, bien qu’il admet que les jeunes ne sont pas à l’abri. Celui qui se définit comme “un optimiste”, détaille alors un quotidien rythmé par “de longues journées de travail” et des “réunions, prises de décision, d’ajustement et adaptations à l’échelle territoriale”. “Il n’y a pas de mesures adaptées par rapport à cette situation et pas de remède miracle non plus”, explique-t-il. 

Désormais, la stratégie est de s’atteler sur la détection des cas contacts. “À la mi-juin, nous étions arrivés à un taux actifs de 600 personnes, c’est à ce moment-là que nous avons pris la décision de les rassembler au niveau des hôpitaux de campagne”. Une stratégie de détection large qui n’est pas la priorité aujourd’hui : “Dans une logique où nous avons un taux de positivité bas, nous pouvons élargir le dépistage mais lorsqu’il est élevé, nous devons nous atteler sur les cas contacts dans les trois cercles”.

En matière de dépistage, le ministre s’est dit satisfait de disposer dorénavant de tests 100% marocains, là où le Maroc importait auparavant. Désormais déployés sur le terrain, ils ont tout de même nécessité un peu de temps au préalable : “Il fallait en vérifier la fiabilité et la conformité technique et il y a tout un processus pour les valider, chose qui a été faite. De plus, il y a eu un accompagnement de la société marocaine les produisant. Aujourd’hui, nous avons même passé des marchés avec elle.”

Les vaccins-anti-Covid au Maroc, une volonté royale ?

Des décisions prises par un comité scientifique et technique. Un organe dont la composition est restée jusque-là obscure pour de nombreux observateurs. Il est assez représentatif et représente la veille scientifique marocaine, explique le ministre. De son aveu, on y trouve des médecins réanimateurs, des pneumologues, des épidémiologistes, des laborantins, issus du public, du privé, mais aussi du militaire. Un organe “composite” donc, consulté pour “élaborer des recommandations en fonction de l’évolution épidémiologique”. Des ajustements dont il se félicite : “Au niveau territorial et régional, il y a des différences de part et d’autre liés à des cultures, de structures différentes et qui nécessitent des adaptations. C’est ce que font certains pays européens dorénavant, mais nous l’avons commencé avant”. 

Le ministre a annoncé que la vaccination de masse contre la grippe saisonnière, “gratuitement” accessibles aux personnes vulnérables.

Parmi les prochaines mesures, le ministre a annoncé que la vaccination de masse contre la grippe saisonnière, “gratuitement” accessibles aux personnes vulnérables. Vaccination toujours, Khalid Ait Taleb est également revenu sur la conduite, au Maroc, des essais multicentriques pour le vaccin anti-Covid-19.

Une question forcément attendue et sur laquelle TelQuel s’est penché dans son précédent numéro, n’a quant à lui que peu fait l’objet de commentaires du ministre. Le ministre a réaffirmé qu’en cas de réussite des essais cliniques pour le vaccin chinois produit par Sinopharm CNBG, le Maroc pourrait se positionner pour le fabriquer : “Nous sommes rentrés dans un partenariat durable et nous n’allons pas nous arrêter aux essais clinique mais aussi technologique. Il y aura une plateforme qui permettra de produire le vaccin, in situ, et bénéficier d’un accord pour le produire chez nous”. Pour ce faire, il revient également sur la signature d’autres contrats avec d’autres producteurs pour sécuriser l’approvisionnement. Une stratégie qui émane d’une volonté royale de faire du Maroc et de ses citoyens l’un “premier bénéficiaire” des vaccins.

Sur le controversé débat lié à l’hydroxychloroquine, le ministre se dit également satisfait des résultats, “en l’absence d’autres traitements contre le Covid”. Un traitement utile pour “prévenir”, avec même certains résultats sur “l’entrée du virus pour ne pas affecter l’organisme”, bien que contesté sous d’autres cieux. “Des pays s’y sont attachés, voire ont renforcés leur utilisations comme le Brésil, la Russie, certains pays d’Afrique avec certains résultats. Il y a des utilisations de fortune qu’on peut préconiser.” Il explique ainsi que le traitement a pour effet “de réduire la charge virale au bout du 5ème jour”, permettant de réduire la durée des traitement préconisé – dix jours pour les cas symptomatiques, sept pour les asymptomatiques. 

Le virus ne laisse pas de délai

Interrogé par Fathia Elaouni sur les mesures impopulaires annoncées lors des fins de journées dominicales, la restriction de déplacement lors de l’Aid El Adha ou la rentrée scolaire en présentiel, le ministre se défend : “Le virus ne vous laisse pas délai. Je comprends leur inquiétude et leur mécontentement [des Marocains, Ndlr], mais nous n’avons pas le choix.” Et de revenir plus en détail : Ce que je peux dire, c’est que des décisions sont prises de suite car nous sommes alertés sur des points précis et nous nous réunissons rapidement pour le faire savoir. Quand il s’agit d’une pandémie, crise, urgence, on est dans l’exception et il faut s’attendre à tout ce qui est exceptionnel. Le degré de compréhension doit être important et les Marocains deviennent, à posteriori, compréhensif.”

“Je comprends leur inquiétude et leur mécontentement [des Marocains, Ndlr], mais nous n’avons pas le choix.”

Nommé en octobre 2019, en remplacement d’Anas Doukkali, Khalid Ait Taleb s’est retrouvé seulement quelques mois après sa prise de fonction, à gérer l’une des plus graves crise sanitaire auquel le monde a été confronté. De là à craquer par moments ? “Oui ça m’arrive d’être à bout de nerfs, de tomber malade, et devenir vulnérable parce que j’avais fait une immuno-dépression”. concède-t-il. Quoiqu’il en soit, le ministre se veut optimiste : “Je vois ce qui se passe autour de moi, je sais que la crise sanitaire a pris le dessus, mais le doute s’installe aujourd’hui, qu’il soit économique ou social et ça me fait mal au cœur. J’espère que les choses vont se clarifier et je pense que de meilleurs jours sont à venir. ”