Le président des États-Unis a tenu à organiser une cérémonie en grande pompe à Washington au cours de laquelle le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu doit formellement établir des relations diplomatiques entre l’État hébreu et ces deux pays arabes — première percée de ce type depuis les traités de paix avec l’Égypte et la Jordanie, en 1979 et 1994.
Une poignée de main historique entre le dirigeant israélien et les représentants arabes n’est pas exclue, a déclaré un haut responsable américain, soulignant que tous les participants auront auparavant été testés au coronavirus.
Opportunités économiques
Les Émirats et Bahreïn partagent avec Israël une animosité commune envers l’Iran, ennemi numéro un de Washington dans la région. De nombreux États arabes pétroliers cultivent discrètement des liens avec les autorités israéliennes depuis des années, mais cette normalisation offre de riches opportunités, notamment économiques, à ces pays qui tentent de réparer les ravages de la crise du coronavirus.
“C’est une réussite de première classe”, assure David Makovsky, du Washington Institute for Near East Policy, tout en soulignant que cela “n’implique pas la même prise de risque” pour les Israéliens que celle acceptée par Menahem Begin, “lorsqu’il a abandonné le Sinaï” à l’Égypte, ou Yitzhak Rabin, lorsqu’il a accepté de négocier avec le Palestinien Yasser Arafat.
“Un jour sombre”
La “vision pour la paix” présentée en début d’année par Donald Trump, qui visait à mettre fin au conflit israélo-palestinien, est loin d’être couronnée de succès : l’Autorité palestinienne l’a rejetée en bloc et dénie au président américain le rôle même de médiateur depuis qu’il a enchaîné les décisions favorables à Israël.
Le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a d’ailleurs estimé que mardi serait un “jour sombre” dans l’histoire du monde arabe, dont il a fustigé les “fractures” et les “divisions”. Les Palestiniens, qui dénoncent un “coup de poignard dans le dos” de la part de ces pays accusés de pactiser avec l’État hébreu sans attendre la naissance d’un État palestinien, ont appelé à des manifestations mardi 15 septembre.
Union contre l’Iran
Mais l’administration Trump avait toujours dit vouloir secouer la région en rapprochant Israël et le monde arabe dans une sorte d’union sacrée contre l’Iran. Ces accords esquissent ce changement d’ère et semblent reléguer la question palestinienne en arrière-plan, comme l’espérait la Maison Blanche.
Dans ce contexte, les tensions entre l’Iran et les États-Unis sont encore montées d’un cran cette semaine, après la publication d’informations selon lesquelles les services de renseignement américains pensent que Téhéran envisage d’assassiner une diplomate américaine pour venger la mort du général iranien Qassem Soleimani, visé par une frappe américaine à Bagdad en janvier.
M. Trump a averti que la réponse américaine à toute attaque iranienne serait “mille fois plus forte”. L’Iran, qui a démenti ces informations, a mis en garde contre une “erreur stratégique” des États-Unis.
Intérêts diplomatiques
Selon David Makovsky, “ce n’est plus le Moyen-Orient de papa, c’est une nouvelle région” où, fait extraordinaire, la Ligue arabe a refusé de condamner la décision des deux monarchies du Golfe. “Les Palestiniens vont attendre de voir ce que donne l’élection américaine, mais quand la poussière retombera, ils devront repenser leur position”, estime cet ex-diplomate américain. Ces accords sont une victoire pour Benjamin Netanyahu et rapprochent Israël de son objectif d’être accepté dans la région.
Pour Donald Trump, qui brigue un second mandat et n’avait jusqu’ici que peu d’avancées diplomatiques à présenter aux électeurs, c’est un succès reconnu jusque chez ses adversaires démocrates. Depuis l’annonce le 13 août de l’accord israélo-émirati, suivie la semaine dernière de celle concernant Bahreïn, le camp du milliardaire républicain ne lésine pas sur les superlatifs pour vanter son action, digne, à l’en croire, du prix Nobel de la paix. Des divergences sont toutefois déjà apparues sur les conditions entourant l’accord avec les Émirats.
Le président américain a notamment déclaré à trois heures de la cérémonie de signature qu’il n’aurait “aucun problème” à vendre des avions de chasse américains F-35 aux Émirats arabes unis, qu’Abou Dhabi veut acquérir de longue date. Un tel contrat représenterait “de nombreux emplois” côté américain, a ajouté Donald Trump. Benjamin Netanyahu s’oppose fermement à cette vente, pour préserver la supériorité militaire de son pays dans la région.
Aux yeux du pays du Golfe, Israël a aussi accepté de “mettre fin à la poursuite de l’annexion des territoires palestiniens”. Mais le Premier ministre israélien a lui affirmé qu’il n’avait “pas renoncé” à l’annexion de vastes pans de la Cisjordanie occupée, uniquement “reportée”.