Assassinat de Khashoggi : 20 Saoudiens jugés par contumace en Turquie

Le jugement par contumace de 20 Saoudiens, dont deux proches du prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, démarre ce 3 juillet à Istanbul. Ils sont accusés par les autorités turques d’avoir tué et démembré l’éditorialiste Jamal Khashoggi en 2018.

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Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Crédit: AFP

Si les accusés risquent en théorie la prison à vie pour “homicide volontaire prémédité avec l’intention d’infliger des souffrances”, la procédure est avant tout symbolique, car aucun d’entre eux ne se trouve en Turquie.

Parmi ces 20 personnes accusées d’avoir tué et démembré l’éditorialiste Jamal Khashoggi en 2018, deux sont identifiées par les enquêteurs turcs comme les commanditaires : un ex-conseiller du prince héritier saoudien, Saoud al-Qahtani, et un ancien numéro deux du Renseignement, le général Ahmed al-Assiri.

Des vidéos de surveillance montrant Jamal Khashoggi entrer dans le consulat saoudien, le 2 octobre 2018.Crédit: Capture d'écran Daily Sabaha.

Khashoggi, collaborateur du Washington Post et critique du régime saoudien après en avoir été proche, a été assassiné et son corps découpé en morceaux en octobre 2018 dans le consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul où il s’était rendu pour récupérer un document. Le journaliste était âgé de 59 ans au moment de sa mort. Ses restes n’ont jamais été retrouvés. Ce meurtre a plongé l’Arabie saoudite dans l’une de ses pires crises diplomatiques et terni l’image du prince héritier Mohammed ben Salmane, dit MBS, désigné par des responsables turcs et américains comme le commanditaire du meurtre.

“Faire la lumière”

La fiancée turque de Khashoggi, Hatice Cengiz, ainsi que la rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, étaient présentes à l’audience ce vendredi 3 juillet, selon un correspondant de l’AFP. Yasin Aktay, un proche de Khashoggi et conseiller du président turc Recep Tayyip Erdogan, était lui aussi présent.

“Les meurtriers de Jamal et ceux qui leur ont donné l’ordre ont évité la justice jusqu’à présent”

Hatice Cengiz, fiancée de Khashoggi

Avant le procès, Mme Cengiz a déclaré à l’AFP qu’elle espérait que celui-ci permettrait de “faire la lumière” sur plusieurs zones d’ombres qui demeurent près de deux ans après le meurtre, notamment sur le sort des restes de Khashoggi. C’est elle qui avait donné l’alerte sur la disparition de son fiancé après l’avoir attendu pendant plusieurs heures à la sortie du consulat saoudien à Istanbul. Les autorités turques ont mené une enquête d’envergure : ils ont visionné des heures d’images de vidéosurveillance, interrogé des dizaines de personnes et fouillé jusqu’au réseau d’égouts autour du consulat saoudien à Istanbul.

Après avoir nié l’assassinat, puis avancé plusieurs versions des faits, Riyad a affirmé qu’il avait été commis par des agents saoudiens qui auraient agi seuls, sans ordres de leurs dirigeants. La justice saoudienne s’est elle-même saisie de l’affaire Khashoggi. À l’issue d’un procès opaque en Arabie saoudite, cinq Saoudiens ont été condamnés à mort et trois autres à des peines de prison pour l’assassinat, sur un total de 11 personnes inculpées. Aucune accusation n’a été retenue contre l’ex-conseiller Saoud al-Qahtani, et le général Ahmed al-Assiri a été acquitté.

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Ce verdict prononcé en décembre dernier a été critiqué par les organisations internationales de défense des droits humains. La Turquie a qualifié de “scandaleux” le verdict, estimant que les vrais commanditaires avaient bénéficié d’une “immunité”. Sans aller jusqu’à accuser directement MBS, Recep Tayyip Erdogan a plusieurs fois appelé à “juger tous les coupables”.

Les meurtriers de Jamal et ceux qui leur ont donné l’ordre ont évité la justice jusqu’à présent”, a déclaré à l’AFP Mme Cengiz. “Je vais continuer d’épuiser toutes les options légales pour faire en sorte que les meurtriers soient traduits en justice”, a-t-elle ajouté.

Fin mai, le fils aîné de Khashoggi a annoncé que les enfants du journaliste assassiné “pardonnaient” aux meurtriers.