Nommé le 7 avril 2020 par le roi Mohammed VI, Othman El Ferdaous est la dernière recrue du gouvernement El Othmani II. Le membre de l’Union constitutionnelle a ainsi pris ses fonctions deux semaines après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et la suspension de la presse papier.
Lors d’une réunion avec la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication ce vendredi 26 juin 2020, le ministre a débattu des contraintes qui asphyxient les médias, notamment en temps de pandémie, et proposé un plan de 200 millions de dirhams pour le sauvetage de la presse. En voici le détail.
Sauver la presse
Après avoir rencontré les professionnels du secteur, il est clair pour Othman El Ferdaous que les subventions traditionnelles versées aux différents supports ne seront pas suffisantes. Le ministre argue qu’au vu de la situation imposée par la pandémie, en plus des difficultés inhérentes au secteur, une mesure exceptionnelle est nécessaire.
Il reviendra au ministère des Finances de payer les salaires des entreprises de presse pendant trois mois
“Nous avons élaboré un plan d’urgence de 200 millions de dirhams pour le sauvetage de la presse écrite”, a annoncé le ministre. Il reviendra au ministère des Finances de payer les salaires des entreprises de presse pendant trois mois : juillet-août-septembre. 75 millions de dirhams sont dédiés à cette opération.
75 millions de dirhams supplémentaires sont réservés au paiement des créanciers de ces entreprises. Chaque entreprise devra fournir sa liste de créanciers selon l’ordre de règlement qui lui convient, et le ministère des Finances paiera directement le fournisseur afin d’alléger la charge qui les empêche actuellement de travailler.
15 millions de dirhams seront alloués aux imprimeries qui travaillent avec les sociétés de presse. L’idée étant de venir en aide à la société éditrice du support ainsi que tous ses sous-traitants. “Chaque dirham versé à la société de presse et à ses sous-traitants contribue à aider le secteur à aller de l’avant”, souligne Othman El Ferdaous.
15 millions de dirhams ont également été attribués au profit de la société de distribution Sapresse. “Comme vous le savez, cette société souffre de plusieurs difficultés. Le ministère des Finances va réinjecter 10 millions de dirhams dans le capital de Sapresse afin de la renforcer davantage.” Selon le ministre, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le ministère des Finances injecte de l’argent dans le capital de la société de distribution.
“Nous allons également allouer 15 millions de dirhams à l’Association des radios et télévisions indépendantes (ARTI), pour le rôle de sensibilisation incroyable que ces opérateurs ont joué, notamment grâce aux talk-shows qui faisaient intervenir les citoyens”, a justifié Othman El Ferdaous.
Le mythe de l’homme providentiel
“Je ne vais pas vous dire, moi qui ai pris mes fonctions le 9 avril, que je vais vous livrer une stratégie bien faite et complète, déclare d’emblée Othman El Ferdaous. Mais pour l’instant, nous avons commencé à dessiner les contours de cette stratégie”, a-t-il concédé face aux députés de la 8e commission.
Une stratégie dont fait partie atfalwataqafa.ma, un programme qui cible les enfants de 4 à 10 ans et qui vulgarise l’Histoire et la culture en darija. Sur ce site web dédié, les enfants peuvent visionner des capsules éducatives puis tester leurs connaissances avec des quizz. “Cette première expérience du département de la Jeunesse et des Sports vient d’une volonté de créer des synergies dans les projets que nous menons, et de diversifier l’offre des médias nationaux.”
À en croire l’énarque, durant cette crise du coronavirus, la consommation des médias a augmenté de manière considérable. Le citoyen qui regardait la télévision 4 heures quotidiennement est passé à une consommation 6 h 30. Pour le ministre, la période du confinement, était une guerre de la télécommande, qui a opposé le parent à l’enfant. “Cela nous a poussés à remettre en question la qualité de l’offre”, a-t-il dévoilé.
Reality check
“Cette crise a dévoilé plusieurs des tares du Maroc. Comme on dit, lorsque la marée est basse, il devient finalement possible de voir qui porte son maillot de bain et qui a choisi de s’en passer” , illustre Othman El Ferdaous. La crise du coronavirus est pour lui un moment de vérité du royaume, qui a dévoilé des manquements dans tous les secteurs, et pas seulement ceux dont son département est chargé.
“Comme on dit, lorsque la marée est basse, il devient finalement possible de voir qui porte son maillot de bain et qui a choisi de s’en passer”
Pour pallier ces manquements, Othman El Ferdaous préconise une approche raisonnable et réaliste. “Il est nécessaire de déterminer ce qui est circonstanciel et ce qui est structurel. Ainsi, nous serons en mesure de définir des plans adaptés pour chaque problème”, avance le ministre.
Selon lui, le diagnostic des maux qui accablent les secteurs dont il est en charge est la synthèse des informations recueillies auprès des administrations, des agents de la fonction publique, des parlementaires et des travaux en commission. Cette synthèse est destinée à noircir les pages de son parapheur, la feuille de route qui guide le navire du ministère de la Communication, de la Culture et des Sports.
“Je souhaite entamer avec cette honorable commission une relation de coopération étroite en vue de faire remonter le maximum d’informations”, a demandé le ministre aux députés de la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication.
La collaboration pour stratégie
En plus de ce plan fondé sur une aide directe fournie aux salariés de ces entreprises et une injection de fonds pour régler leurs dus, Othman El Ferdaous a annoncé une vision stratégique destinée à être pensée en collaboration avec les acteurs du secteur. “Lors de mon passage au ministère de l’Industrie, j’ai appris une leçon. Lorsqu’on veut renforcer un secteur et l’écosystème en son sein, une seule main n’applaudit pas. Il est primordial de renforcer les professionnels”, estime le jeune ministre.
“Notre objectif ultime : renforcer les capacités du citoyen pour qu’il fasse des choix informés”
Ainsi, cette stratégie commencera par un débat avec les éditeurs et les syndicats du secteur de la presse, et comprendra plusieurs axes, dont la définition des contraintes et des conditions sociales des journalistes ; l’élaboration d’une vision stratégique commune et de solutions ; la définition des priorités de travail ; et la recherche de moyens de financement pour les entreprises, notamment via des crédits sans intérêts auprès des banques.
Othman El Ferdaous espère également définir les modes de production des supports et les évaluer, mettre en place des lois contre les fakes news, étudier les modes de consommation des Marocains, faire évoluer l’impression, en plus d’étudier l’impact de l’évolution technologique sur le secteur.
“Nous n’avons pas besoin d’une démocratie représentative pure, mais d’une démocratie institutionnelle. Parmi ces institutions, il y a la presse. Ce n’est d’ailleurs pas le quatrième pouvoir parce qu’elle en est détentrice, mais parce qu’elle renforce les capacités du citoyen. C’est notre objectif ultime : renforcer les capacités du citoyen pour qu’il fasse des choix informés”, a conclu le ministre.