Moulay Ismaïl Alaoui : « C’était le dernier des Mohicans »

Ministre dans les deux gouvernements Youssoufi, l'ancien Secrétaire général du PPS se souvient d'un homme "dont les qualités humaines faisait qu'on acceptait tout de lui".

Par

Les dirigeants de l'opposition marocaine Ismail Alaoui, du Parti socialiste et progressiste, M'hamed Boucetta de l'Istiqlal, Abderrahmane Youssoufi de l'Union socialiste des forces populaires et Mohamed Bensaid de l'Organisation pour la démocratie et la population, lors d'une réunion à Rabat le 17 septembre 1997. Les quatre dirigeants se sont réunis pour condamner l'occupation espagnole de Sebta et Melilia. Crédit : Abdelhak Senna/AFP

« J’avais eu l’occasion de le rencontrer lorsqu’il était en exil, et j’avais été impressionné par son charisme. C’était une personne extrêmement attachante, et très attachée à ses principes. Mais je l’ai véritablement connu quand nous avons eu, dans le cadre de la Koutla, à aborder les problèmes concernant notre pays et l’alternative que nous pouvions proposer. Abderrahmane Youssoufi était un exemple d’abnégation et de fidélité à ses origines. Il pensait aux petites gens, abstraction faite de toute considération idéologique. Il était disposé à répondre à toutes les personnes dans le besoin, quel que soit ce besoin. Aujourd’hui, il faut reconnaître que c’est grâce à lui que l’Exécutif a adopté le principe de la couverture sociale universelle. Celle-ci n’a malheureusement pas encore réussi à se généraliser totalement au Maroc, mais il avait donné le coup d’envoi.»

« Il symbolisait une époque de la vie politique marocaine. C’était le dernier des Mohicans, d’une génération composée par Abderrahim Bouabid, Ali Yata, Mehdi Ben Barka, et d’autres encore. Ce qui caractérisait cette génération, c’était sa volonté de faire avancer la société marocaine, d’œuvrer pour le progrès et pour une plus grande justice sociale. Aujourd’hui, tous ces gens sont partis, et il faut que la relève soit à leur hauteur. J’espère qu’elle le sera.»

« Youssoufi menait son gouvernement fermement, mais avec un grand sens de l’humain. C’était sa grande qualité, et en même temps, de façon paradoxale, c’était sa faiblesse. Il n’a jamais essayé d’imprimer une direction claire aux gouvernements qu’il dirigeait, ce qui lui était peut-être imposé par le fait qu’il s’agissait de coalitions. C’était l’homme du consensus, indéniablement, et c’est pourquoi il a commis ce genre d’erreurs. Je ne l’ai jamais vu taper du poing sur la table. C’est une critique, mais de quelqu’un qui l’aimait énormément. Car ses qualités humaines faisaient qu’on acceptait tout de lui.»