Traque aux faux FFP2, nouvelles normes, prix des bavettes : le point sur les masques

Face au marché noir florissant des masques de protection, le ministère de l’Industrie a vite réagi en instaurant des normes de qualité. Les services de police, eux, font la traque aux faux masques FFP2.

Par

AFP

Ils étaient utilisés quasi exclusivement par le personnel soignant. Depuis le 7 avril, tous les citoyens doivent en porter. En cette période de pandémie de Covid-19, les masques sont devenus un symbole de protection contre la nouvelle maladie, mais aussi un produit recherché par des millions de Marocains autorisés à quitter leur lieu de résidence. Ceux qui contreviennent à cette obligation sont passibles de sanctions pécuniaires, voire d’emprisonnement.

L’obligation de les porter a fait que leur valeur marchande a augmenté, ce qui a donné des idées à quelques opportunistes qui se sont lancés dans la fabrication et la commercialisation de masques contrefaits présentés comme étant des masques médicaux, mettant en péril la santé des citoyens, et surtout celle des professionnels de santé.

Pour faire face à ce phénomène, le gouvernement a décrété des obligations normatives pour encadrer la fabrication des masques de protection en tissu non tissé, à usage non médical. Il a également renforcé le contrôle de la qualité des masques destinés au corps soignant pour lutter contre la marchandisation des masques contrefaits. Résultat : plusieurs usines ont été fermées pour non-respect des normes de production et de qualité, et plusieurs personnes interpellées par les forces de l’ordre pour commercialisation de faux masques FFP2 destinés à un usage médical.

Nouvelles normes de qualité

Pour plus de sécurité, le ministère de l’Industrie a instauré de nouvelles mesures relatives à la fabrication des masques de protection en tissu non tissé, les bavettes. Leur fabrication est dorénavant soumise à l’obligation de respecter les spécificités techniques dictées par la norme marocaine NM ST 21.5.200.

Toute non-conformité aux exigences du référentiel est sanctionnée par un PV et une poursuite judiciaire

Cette obligation normative est entrée en vigueur à la suite de la publication de l’arrêté n° 1060-20 du 8 avril 2020 du ministre de l’Industrie, qui appelle les fabricants et les distributeurs des masques de protection en tissu non tissé à usage non médical à se conformer aux caractéristiques techniques définies par le document normatif y afférent, élaboré conjointement par les différentes parties prenantes, précise le ministère dans un communiqué diffusé ce dimanche 19 avril.

En vertu de la nouvelle réglementation, les masques doivent notamment être fabriqués à partir d’un polypropylène vierge et composés de trois couches filtrables superposées en tissu non tissé, assurant la couverture du nez, de la bouche et du menton de l’utilisateur. Les parties du masque susceptibles d’entrer en contact avec la peau du porteur doivent être exemptes d’arêtes vives et de bavures pour ne pas présenter de risques connus d’irritation ou d’effets indésirables pour la santé. Le tissu de fabrication doit être ainsi exempt de métaux lourds, assurant la respirabilité et évitant toute irritation ou allergie à l’utilisateur.

Toute non-conformité aux exigences dudit référentiel est sanctionnée par un PV et une poursuite judiciaire à l’encontre des contrevenants, précise la même source. L’objectif est de mettre à la disposition des citoyens des masques conformes aux standards de sécurité, permettant de limiter au maximum la transmission du virus.

La traque aux faux FFP2

Si un minimum de qualité est exigée pour les masques à usage commun, ceux à usage médical doivent être de “très bonne qualité”. Les spécialistes préconisent l’utilisation des masques type FFP2 pour l’ensemble du personnel soignant, car tous les patients qui se rendent dans un établissement de soin sont considérés comme de potentiels porteurs du nouveau virus.

Ces masques coûtent plus cher, sont rares et très demandés par les citoyens et surtout par les professionnels de santé. Face au besoin grandissant, plusieurs usines tentent de confectionner ce qui pourrait ressembler à des masques médicaux de type FFP2. Face à ce danger, la police judiciaire s’est mise à traquer les faux FFP2, et les interpellations se sont multipliées dans plusieurs villes du royaume.

Vendredi 17 avril, par exemple, les éléments de la brigade de la police judiciaire relevant de la sûreté régionale de Taza ont interpellé le gérant d’une société pour son implication présumée dans une affaire de confection et commercialisation de masques de protection ne répondant pas aux normes de qualité requises dans le domaine médical et paramédical. Le mis en cause, la cinquantaine, avait changé l’activité de son entreprise, du textile à la fabrication de masques de protection, indique un communiqué de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), faisant savoir que les enquêtes et investigations menées dans le cadre de cette affaire ont permis l’interpellation du prévenu et la saisie de 3000 faux masques.

Quelques jours plus tôt, les éléments de la Brigade antigang relevant de la préfecture de police de Rabat ont interpellé six individus, dont une femme et un mineur de 17 ans, pour leur implication présumée dans une affaire similaire. Les perquisitions ont permis la saisie de 548 faux masques de protection et de trois machines à coudre. Les mis en cause ont été interpellés à Rabat en flagrant délit de commercialisation de masques de protection industrialisés sans autorisation et ne répondant pas aux normes en vigueur, indique un communiqué de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN).

Selon plusieurs médias arabophones, les mis en cause, dont le fils d’un ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats de Rabat, avaient déjà livré 20.000 faux masques de type FFP2 à une clinique de Marrakech, pour la somme de 600.000 dirhams. Le propriétaire de la clinique avait douté de la qualité des masques et saisi le procureur du roi pour ouvrir une enquête. Ces masques étaient destinés, selon les mêmes sources, aux médecins et infirmiers de cette clinique prenant en charge des patients testés positifs au coronavirus.

Les masques à 80 centimes en question

Le prix de vente des masques “non médicaux” a été fixé par le ministère de l’Industrie à 80 centimes l’unité. Un prix symbolique rendu possible grâce au soutien du fonds spécial Covid-19. Une dizaine d’usines et d’industriels nationaux tournent à plein régime pour répondre à la demande grandissante du marché. Pari réussi selon le chef de l’Exécutif, Saâd-Eddine El Othmani, qui s’est félicité lors de son grand oral de la session parlementaire d’avril, de la distribution de quelque “13 millions de masques depuis que le Maroc a rendu obligatoire le port de masque de protection”.

D’un autre côté, sur les réseaux sociaux, de nombreux citoyens déplorent la rareté de ces masques qui, en plus, sont souvent vendus plus cher que le prix promis par le gouvernement. D’autres s’interrogent sur la qualité de ces bavettes et leur capacité à limiter la propagation d’un virus dont les caractéristiques sont jusqu’alors peu cernées. Pour remédier à cela, le ministère de l’Industrie a demandé aux usines de mettre les bouchées doubles, tout en garantissant un certain niveau de qualité.