Dr Lyoubi et Dr Slaoui sur 2M : les spécialistes se montrent rassurants

Invités de l’émission Confidences de presse sur 2M, Mohamed El Youbi et Moncef Slaoui ont fait un point sur la pandémie de Covid-19 au Maroc, livrant quelques explications quant à la gestion et l’avenir de cette situation de crise.

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L'émission Confidences de presse, dimanche 12 avril, avec Dr Mohamed Lyoubi et Dr Moncef Slaoui. Crédit: Youtube.com

Premièrement, il faut noter que cette situation ne nous a pas pris de court. Nous nous y sommes préparés en suivant de près l’évolution du virus en Chine dès son apparition, en sachant qu’il allait toucher le royaume d’une façon ou d’une autre”, indique en premier lieu Dr Mohamed El Youbi, directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies au ministère de la Santé.

Sur le plateau de l’émission Confidences de Presse, dimanche 12 avril sur 2M, il était en compagnie de Moncef Slaoui, docteur en immunologie installé aux États-Unis et expert mondialement reconnu. Habitué à faire un point Covid-19 quotidiennement en fin d’après-midi, Dr El Youbi a commenté, avec retenue, les mesures prises par le royaume pour faire face à la propagation du virus.

En adoptant les mesures sanitaires que l’on connaît, le Maroc a gagné trois semaines par rapport aux autres pays touchés”, assure Mohamed El Youbi dans son intervention, dans laquelle il souligne que par ces mesures, le Maroc a su limiter la propagation et ainsi éviter le pire.

Quel est l’effet du confinement ?

À l’heure actuelle, il serait prématuré de juger de l’efficacité du confinement”, indique Mohamed El Youbi en réponse à la question d’Abdellah Tourabi concernant les limitations de déplacement depuis à peu près trois semaines. Le directeur de l’épidémiologie au ministère de la Santé révèle qu’au sein du ministère, ils se basent sur des modèles mathématiques définis pour évaluer l’efficacité des mesures en les comparant aux chiffres probables sans ces mêmes mesures. “Selon nos indications préliminaires, sans le confinement, on aurait pu faire face à plus de cas détectés quotidiennement”, ajoute-t-il. Pour lui, ce sont les mesures prises qui ont fait que “la courbe d’évolution du Covid-19 au Maroc s’est aplatie” par rapport à d’autres pays.

Le pays fait partie des moins touchés avec environ 0,47 cas sur 10.000 habitants

Concernant le point des foyers familiaux, Dr El Youbi indique que c’est la grande tendance de la deuxième phase de la pandémie, où “une personne porteuse du virus peut contaminer tout son entourage, pas seulement sa famille”, explique l’intervenant en rappelant que sans les mesures sanitaires adoptées, ces foyers seraient plus larges, et on aurait assisté à un plus grand taux de contamination.

Pour comparer le Maroc à d’autres pays, ou comparer une région à une autre, le spécialiste cite le taux d’attaque, qui correspond au nombre de cas avérés sur le total de la population. À ce niveau, le pays fait partie des moins touchés avec environ 0,47 cas sur 10.000 habitants.

Quid des tests de dépistage ?

On effectue un nombre de tests définis, selon nos objectifs pour chaque phase de l’épidémie”, précise Mohamed El Youbi en réponse à la question d’Abdellah Tourabi sur le nombre de tests de dépistage effectués au Maroc par rapport à d’autres pays.

On fait des tests pour la détection précoce du virus, et non pas un dépistage. C’est ce que la situation actuelle nous oblige à faire, surtout que nous n’avons aucune garantie qu’une personne négative aujourd’hui le soit toujours dans deux jours”, martèle-t-il en prenant en compte que 10 à 20 % des cas qui s’avèrent asymptomatiques, mais contagieux.

En chiffres, ces propos se traduisent, selon El Youbi, par à peu près 300 tests effectués en laboratoires. À l’heure actuelle, plus de 7200 cas ont été écartés. Un chiffre susceptible d’augmenter, tant le ministère équipe d’autres laboratoires à travers le royaume.

Masques et choloroquine

Le port du masque obligatoire dans l’espace public a été décidé jeudi 9 avril. Qu’est-ce qui a changé entre-temps pour que le gouvernement prenne cette décision ? “Il faut rappeler qu’on ne connaissait pas ce virus avant. Et qu’on s’adapte au fur et à mesure de son évolution, et on essaye de trouver des solutions en parallèle. Dans ce sens, le port de ces masques peut effectivement limiter la propagation du virus, comme l’a indiqué l’Organisation mondiale de la santé (OMS)”, renchérit El Youbi, qui estime que cette mesure est complémentaire aux mesures sanitaires comme la distanciation sociale, le lavage des mains, une bonne aération, etc. Pour se protéger, le principe est simple, d’après le spécialiste : “Je suis malade jusqu’à preuve du contraire. Et je suis en bonne santé jusqu’à preuve du contraire.

“Pour l’instant, on n’a noté aucun cas d’effets secondaires graves de la chloroquine sur un patient”

Dr El Youbi

Concernant l’utilisation de la chloroquine, qui est selon certains spécialistes une solution dans le traitement du virus, El Youbi rappelle que tous les médicaments, sans exception, ont des effets secondaires. “La chloroquine a été utilisée dans plusieurs pays dans la lutte contre le paludisme, dont le Maroc. Et tout médicament ne bénéficie de l’autorisation d’utilisation que si son effet contre le virus s’avère plus grand que ses effets secondaires potentiels sur la personne”, explique le directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies au ministère de la Santé.

La décision d’utiliser la chloroquine a été prise après plusieurs études de spécialistes qui ont attesté de son efficacité. Pour l’instant, on n’a noté aucun cas d’effets secondaires graves de la chloroquine sur un patient”, conclut Mohamed El Youbi.

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Dr Moncef Slaoui relativise

Le Dr Moncef Slaoui, spécialiste en vaccins et en immunologie, expert mondialement reconnu actuellement installé aux États-Unis et membre du conseil d’administration de neuf sociétés de biotechnologie, était le second invité de l’émission Confidences de presse.

Selon l’expert, les réponses scientifiques quant à l’efficacité de certains médicaments pourraient être disponibles d’ici à début juin

Dans un premier temps, le spécialiste explique les chiffres alarmants de pays qui font partie des plus grandes puissances mondiales, par une forme de “négligence”, ayant tardé à prendre des mesures préventives strictes. Dr Slaoui estime que le nombre de cas de personnes infectées est généralement cinq à dix fois plus élevé que le nombre de cas détectés. D’autant plus que même les spécialistes et chercheurs continuent de découvrir comment le virus se comporte au fil du temps et de son évolution.

Sur un ton plus optimiste, le spécialiste souligne qu’actuellement, ce sont plus de 800 études cliniques qui sont effectuées de façon simultanée, dans les quatre coins du globe, pour trouver un remède efficace contre le Covid-19. Toutes sortes de molécules sont testées, à commencer par celles qui parviennent à inhiber le virus comme l’hydroxychloroquine. Selon l’expert, les réponses scientifiques quant à l’efficacité de certains médicaments pourraient être disponibles d’ici à début juin.

Dans ce sens, il révèle que plus de 30 vaccins sont actuellement en phase de “développement pré-clinique”, et que deux d’entre eux sont au stade des essais cliniques. Pour lui, les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle, seront “essentielles” dans la lutte contre le virus, malgré quelques craintes concernant les données personnelles des citoyens. “J’espère que le monde va passer outre cette question de vie privée, pour se débarrasser de cette pandémie”, déclare Moncef Slaoui.

Quant aux chiffres, ils sont plus que positifs d’après lui, qui estime qu’en huit semaines, les chercheurs et scientifiques ont réalisé ce qu’ils réalisent généralement entre trois et sept ans en termes d’effort et de résultats. À ce rythme, il est convaincu que d’ici la fin de l’année, on disposera de vaccins efficaces, “mais il sera impossible d’en fabriquer suffisamment en peu de temps pour les 8 milliards d’êtres humains”.