Conseil de veille économique : des mesures a minima qui ne sauveront pas les TPME

Si sur le plan sanitaire, le gouvernement s’est montré irréprochable, les premières mesures annoncées par le Comité de veille économique pour protéger le tissu économique contre la crise semblent jusqu’ici vraiment timides.

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Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances. Crédit: MAP

Le gouvernement marocain fait preuve d’un véritable sens des responsabilités dans la gestion de la crise du coronavirus. Prenant le contre-pied des retards à l’allumage de certains pays européens, l’exécutif a très tôt entrepris une batterie de mesures aptes à décélérer le rythme de propagation du Covid-19.

Suspensions des vols vers et en provenance de l’étranger, interdiction des grands rassemblements, mobilisation extrême des structures hospitalières, transparence et précision dans la communication, sensibilisation aux réflexes de prévention et au télétravail… Jusqu’ici, les autorités renvoient un sentiment de maîtrise qui confère à son tour un sentiment de sécurité aux Marocains. Il faut s’en féliciter.

Corollaire à la crise sanitaire, une crise économique dont les observateurs redoutent l’ampleur sans précédent. Afin d’en anticiper les effets, le gouvernement a mis en place un Comité de veille économique (CVE) regroupant les principaux ministères dans le but d’évaluer la situation en temps réel et entreprendre les actions qui s’imposent. À l’issue de sa première réunion, le CVE a pris deux décisions importantes : suspendre le paiement des charges sociales (CNSS) au 31 mars et mettre en place un moratoire sur le remboursement des crédits bancaires.

Affaiblies par une décrue subite de l’activité, les TPME traversent une période trouble qui ne présage rien de bon pour leur pérennité. Or, à l’opposé des prescriptions de la CGEM qui prône une réaction plus énergique de l’État, les deux décisions du CVE paraissent quelque peu timides. Car la situation appelle des actions plus percutantes.

En voici quatre, qu’il faudrait mettre en œuvre de toute urgence.

• Pour que les petites entreprises assurent leur survie, celles-ci doivent être en mesure de continuer à payer leurs salariés. La suspension de l’impôt sur les revenus salariaux apparaît comme une nécessité pour le mois de mars en attendant d’apprécier l’évolution de la situation.

• S’agissant du moratoire sur le remboursement des crédits. Celui-ci devrait s’étaler sur au moins trois mois, avec arrêt total des compteurs, et annulation de principe des pénalités de retards. Les banques ne devraient pas trop souffrir de cette mesure. Outre des réserves solides, elles peuvent bénéficier du concours de la Banque centrale qui vient d’acter une baisse de son directeur à 2%. Pour les entreprises les plus sensibles et au cas par cas, des annulations de crédits pourraient fournir de l’oxygène à des structures durement touchées. En définitive, les banques sont appelées à lâcher momentanément les vannes pour permettre d’abord et avant tout aux entreprises de s’acquitter des salaires.

• Concernant la préservation de l’emploi et des salaires, il est impératif de clarifier la méthode. En cas de paiement partiel des salaires, ou en cas de chômage technique, l’État se substituera-t-il aux entreprises pour maintenir les emplois en attendant une reprise d’activité ? Dans le cas des restaurants, des cafés, des cinémas, fermés depuis ce lundi par décision des autorités, il faudrait tout de suite acter une indemnité compensatoire à ce personnel estimé à 200.000 travailleurs. De même, pour les grandes entreprises ne souffrant pas de stress au niveau de la trésorerie, il est vital de régler les fournisseurs au plus vite, sans, si possible, les soumettre aux délais de paiement contractuellement agrées.

• Dans le cas des grandes enseignes de distribution qui ont connu un pic d’activité ces derniers jours, l’attitude citoyenne serait d’accélérer le règlement des fournisseurs sans attendre l’échéance des paiements. En somme, il faudra faire preuve d’une vigilance granulaire pour maintenir à flot les petites et moyennes structures. Celles-ci survivent au jour le jour et sont, en majorité, dépendantes d’un ou deux clients. Elles seront les plus affectées par les circonstances inédites que nous vivons. À cet effet, l’usage du fonds spécial coronavirus lancé par le roi Mohammed VI et qui en 48 heures seulement a dépassé les 10 milliards de dirhams de dotation initialement prévus, sera déterminant pour la préservation des équilibres économiques du royaume.